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Le plus grand estuaire d’Europe
L’estuaire de la Gironde



La Gironde est l’estuaire du fleuve Garonne, or il ne porte pas son nom, ce qui pas toujours était le cas.

Dans l’Antiquité, Ausone, au IVème siècle puis Grégoire de la Tours, au VIème siècle parlait de «Garumna», et cette dénomination resta jusqu’à l’époque médiévale.
Puis à partir du XIème siècle apparaît le terme de gironde (Gerundum fluvium, Gyrundam, Gerunde…)qui va se substituer à celui de Garonne.
Cela pourrait s’expliquer à partir de l’étymologie du terme gironde dont le mot primitif «ecoranda» signifiait la frontière ou la limite administrative :
or du point de vue administratif et géopolitique l’estuaire symboliserait la frontière entre la Saintonge et l’Aquitaine.
Par la suite, au XIIIéme siècle, retenant l’influence des marées pour définir l’estuaire et donc la «Gironde», on parle du fleuve Gironde devant Bordeaux !
Cette influence de l’océan explique aussi que l’estuaire prit la dénomination de mer
«Gyrundam vel mare» et ainsi Bourg-sur-Gironde (qui actuellement se trouve sur la Dordogne!) s’appela Bourg-sur-Mer du XIIIème au XVIIè

Pourquoi l’Estuaire de la Gironde
Pour certains le terme de «mer» se justifierait toujours de l’embouchure au bec d’Ambès, lieu de réunion de la Garonne et son affluent la Dordogne, mais en retenant la dénomination du fleuve: «Mer de Garonne», telle que
l’appelait les Gallo-romains.

La Rivière de Bordeaux ou " jh'irons deux"


Longtemps considéré comme la seule embouchure de la Garonne, l'estuaire de la Gironde que se partagent Charentais et Girondins, est appelé par les deux communautés, "La Rivière".
( Que les Charentais se le disent, l'estuaire de la Gironde est le plus grand d'Europe. Eh, p't-eite bin que jhe zou avons su commente Gueurnut en plongeant dans une carte pour se rafraichir le calâ ! Evidemment, poursuivrait il, anvec thiéllée Garonne de 575 km qui descend des Pyrénées et thiéllée Dordogne de 472 km qui vint du Massif central. o fait groû d'eau qui déboule vers l' Atlantique ! Les chiffres sont même impressionnants. La Garonne( mais étout pas au Pic d' Aneto en Espagne qu'o prend sa source?) draine un bassin de 57 000 km . La Dordogne (eh, jhe creye bin de souvenance qu o démarre au Sancy du Puy de D6me !) fait état. quant à elle, d'un bassin de 24 000 km2 Et c'est au Bec d' Ambes que les deux rivières se rejoignent. Cas unique en France, il n'existe aucun autre site où deux fleuves se jettent d' un minme cot au minme endret. Là, le débit se compte en 969 m3 par seconde dont 65% d'eau apportée par la Garonne et 35% par la Dordogne Mais o l'é ine moyenne, o dépend des sécheresses. des crues, des marées, de l'arrosage dau garouil (maïs). Enfin. d'un tas de critères à donner à Gueurnut des sueurs froides. à l'idée qu'on aurait pu lui demander de zou calculer peur son certificat d'études, en prenant otout en compte... l'évaporation !
Où commence l'estuaire, où se termine-t-il ? Sur le sujet. les avis divergent selon que l'on habite dans le Haut de l'estuaire, c'est-à dire en  bas de la carte (vers Bordeaux) ou en Bas estuaire, c'est-à dire en haut de la Gironde Car ainsi va l'orientation. Si l'on descend au sud, on remonte vers Bordeaux. si on remonte au nord, on descend vers Royan Ici, le sens des trajets se fait de l'aval vers l'amont.
Du c6té de Marennes on fait démarrer la Gironde à Bonne Anse, cet appendice de sable, juste en dessous du phare de la Coubre que les Charentais appellent "la Courbe", vu qu'o yat là, un coude ! Et l'on y intègre les villages de la Palmyre à Pontaillac qui, pourtant. se revendiquent de la Grande c6te. En Pays Gabaye. on le prolonge jusqu'à Libourne, où l'on voit encore le mascaret et où l'on se souvient qu'autrefois, la navigation maritime devait se modifier pour devenir fluviale Dans thiéllée affeire, on compte 167 km .. Plus pragmatique, le Conservatoire de protection de l'estuaire de la Gironde. implanté à Blaye. fait état de 75 km Là, on démarre du Bec d' Ambes, pointe de terre entre les deux "meis" de Bordeaux et de Dordogne qui a donné à la région le châffre"Entre Deux Mers" et l'on s'estope à Royan inclus. Eh, o l'é pas ce qui fait le mé de piaisit aux Royannai,. ponctue notre Gueurnut, en rappel d'un grand débat qui a longtemps agité notre côte. Le Cemagref (Centre d'études du machinisme agricole. du génie rural. des eaux et des forêts). quant à lui, démarre l;estuaire à la pointe de Suzac (en dessous de Royan) et le mène jusqu'à Casseuil sur la Garonne et Castillon-la-Bataille sur la Dordogne. où cesse l'influence des marées.
Car voilà bien le particularisme de l'endroit : impossible d'y entendre la même voix C'est que la Rivière est patrimoine de trois communautés : une rive gauche du Médoc où l'on vit au rythme des châteaux viticoles (où o yat le Rotschild), une rive droite saintongeaise davantage tournée vers les Maisons du Cognac (o vaut meû pas citer de noms, o vat encouère fazir des histoères), elle- même scindée entre Charentais et Gabayes qui balancent entre leur patrie de coeur et leur patrie administrative, et qui ont fait leur "trou" avec les Côtes de Blaye
.)
L'estuaire est longtemps resté la passion de quelques érudits locaux et d'étudiants qui lui ont consacré leur thèse et si, aujourd'hui. on lui trouve quelque intérêt, les nouveaux intervenants sont condamnés à travailler avec deux départements et deux régions, sous l'oeil vigilant du grand manitou qu'est le Port autonome de Bordeaux "Difficile dans ces conditions d'en avoir la même vision" explique Daniel Binaud, président du Conservatoire de l'estuaire, créé en 1987 dans le but d'éveiller "un sentiment d'appartenance à un même bassin de vie". On ne sait d'ailleurs même plus pourquoi on l'appelle "Gironde" Un historien Camille Jullian, avance que l'origine en serait le mot gaulois "écoranda"qui veut dire "frontière" frontière entre Saintes et Bordeaux, frontière entre les diocèses A moins que cela ne vienne du village de Gironde-sur Dropt. où l'on dit que le courant gire (tourne) .


Claude Masse (1652 1737), ingénieur-géographe de Louis XIV, nous révèle, quant à lui, que c'est "le vulgaire" qui appelait la rivière de Garonne . "Gironde". Une appellation populaire que les bourgeois de Bordeaux auraient emporté à Paris pour se distinguer sous le nom de "Girondins" et ramené ensuite pour désigner leur département en 1790. La tradition orale du petit peuple. c'est Robert Pujo de Berson (33) qui. l'ayant toujours entendue des anciens. nous la rapporte Il y a très longtemps, quand Garonne et Dordogne se rencontrèrent pour la première fois elles s'interpellèrent et Gueurnut se félicite qu'a l'aube des temps. le parler international, o l'était le saintongeais ! "Où vas tu donc ainsi d'manda la Dordogne, embrassant la Garonne ? Moi, he vas à la mer et toi dis me in peu ? Moi jhe m'y rends otout ! Eh bin, dirent-elles. asteur Jh'irons deux ! Un "Jh'irons deux"charentais (nous irons ensemble), devenu Gironde, qui s'est imposé définitivement sur les cartes au XIXe siècle !
 
Long de 75 Km, large de 12 Km à son embouchure, l’estuaire de la Gironde, le plus vaste d’Europe occidentale, constitue un milieu naturel exceptionnel.
En bordure des vignobles prestigieux, ce sont des eaux limoneuses qui donnent à l’estuaire cette teinte ocre clair que rythment des marées puissantes.
Ponctué de carrelets de pêche et de petits ports, d’îles que l’on découvre en bateau, en gabare, l’estuaire est un fabuleux royaume pour la navigation et pour la pêche.
Au fil des saisons, on y pêche la crevette blanche, l’alose, la lamproie, l’anguille et son frai la mythique pibale que Japonais et Espagnols s’arrachent à prix d’or...

Mais le poisson emblématique de l’estuaire reste l’esturgeon appelé ici créa.
Devenu très rare au cours des dernières décennies, il fait l’objet d’un long travail de réintroduction mené par des scientifiques
L’Estuaire de la Gironde est une zone géographique particulière du fait de la multiplicité de ses paysages naturels, de sa mise en valeur par rapport à la proximité de grandes agglomérations et d’activités industrielles importantes. C’est aussi un endroit à fort potentiel touristique, pouvant répondre à toutes les attentes : tourisme industriel, tourisme naturel, …

Où se trouve l’estuaire de la Gironde ? Localisons-le géographiquement.


D’abord, un estuaire est un bras de mer qui s’engouffre à l’intérieur des terres, et se trouve en aval d’un fleuve.
L’estuaire de la Gironde est commun aux deux fleuves français : la Garonne et la Dordogne. Il est localisé dans le sud-ouest de la France, à la hauteur de la grande ville de Bordeaux par laquelle passe d’ailleurs la Garonne. Cet estuaire qui longe deux régions : l’Aquitaine et Poitou-Charentes, est à l’origine du nom du département de la Gironde. Il commence à Ambès, là où la Garonne et la Dordogne se rejoignent, et se termine à la Pointe de Grave sur la rive gauche, là où l’Océan Atlantique entre directement en contact avec les eaux de l’estuaire, et un peu plus loin, à la pointe de Suzac sur la rive droite, là où on est déjà en face de l’Océan.
Patiras et son avancée de l’îlot de Trompeloup, est la première des îles que l'on découvre, face à Pauillac : surgie, dit-on, au moyen âge, elle aurait servi au cours des temps comme ermitage au moine saint Patiras dont elle a tiré son nom, puis de repaire à un terrible pirate, et aussi de léproserie !...

Au 18ième siècle sa situation devant Pauillac l'amènera à servir de dépôt sanitaire : les bateaux arrivant des colonies et autres lieux suspects doivent systématiquement y débarquer leur cargaison de balles de coton ou de laine pour l'éventrer et l'exposer à l'air.

Des digues édifiées à cette époque permettront par la suite d'y établir des pâtures et des vignes qui feront sa fortune à l'époque du phylloxera, où les vignes des îles éviteront la terrible maladie, en particulier en inondant les pieds. Mais le temps a passé, la roue a tourné, avec les guerres, l'exode rural a eu lieu,...

Un village s'y trouve encore, abandonné,... seul avec la statue de saint Patiras et le phare du même nom au nord de l'île. L’estuaire de la Gironde joue un rôle important dans la production vinicole de cette région. Vous connaissez très sûrement les célébrissimes vins bordelais, vins de terroirs, … Eh bien, sachez que l’estuaire de la Gironde sert de source d’arrosage pour les vignobles du Médoc, sur sa rive gauche, et ceux de Blaye sur la rive droite. Ces deux vignobles sont très connus dans la région bordelaise. Si vous longez l’estuaire de la Gironde sur la rive gauche, vous verrez des paysages viticoles jusqu’à la Pointe de Grave. La rive droite présente des paysages plus diversifiés, et un relief plus accentué contrairement à la rive gauche où la plaine domine. Ici et là, vous trouverez quelques champs de vignes, mais beaucoup moins nombreux que sur la rive gauche.

L’estuaire de la Gironde comporte quelques îles naturelles qui s’éparpillent sur sa longueur dont l’île de Patiras, la plus septentrionale, qui est équipée d’un phare et servait d’arrêt obligatoire pour tous les bateaux en direction de nombreux ports intérieurs. Mais il y a également l’île Bouchaud ; l’île nouvelle devenue réserve naturelle en 1991 ; l’île du Fort Paté où se trouve un fort destiné à surveiller l’accès à l’estuaire, construit par Vauban en 1690 ; l’île Macau ; l’île Verte, ou encore l’île Margaux, sur lesquelles des vignes sont également plantées, … L’estuaire de la Gironde est une voie navigable d’une grande importance pour toute la région.Avec une superficie de 635 kilomètres carrés. Il se peut que vous le longiez à bord d’un bateau spécifique de tourisme. Sachez alors qu’il constitue un grand axe de navigation, sur lequel passent, outre les bateaux de tourisme, des porte-conteneurs, des superpétroliers, des bateaux de pêche ou des cargos, … Pour illustrer ce phénomène, sachez qu’une partie du fuselage du gros porteur A 380 est transporté à bord de gros bateaux, de Saint-Nazaire à Pauillac avant d’être envoyée à Langon sur une barge ou sur une péniche, longeant une partie de la Garonne.

L’existence de nombreux ports explique également cette intensité du trafic dans l’estuaire de la Gironde. Vous êtes intéressé par le tourisme industriel ? Le long de cette voie navigable, vous découvrirez de nombreux ports et installations industrielles, … A Bec d’Ambès, se trouve une raffinerie de pétrole. A Blaye se dresse la centrale nucléaire du Blayais ainsi que son port. Pauillac est le premier port industriel de l’estuaire, …
Si vous souhaitez découvrir quelques aspects historiques de la navigation dans l’estuaire de la Gironde, il vous est possible de rencontrer des bateaux traditionnels qui y naviguent encore aujourd’hui. Deux types de bateaux traditionnels peuvent être cités : la gabare, destinée au transport de marchandises telles que tonneaux de vin en provenance de Bordeaux par exemple, … ; et la filadère qui est un bateau de pêche à voile : sa forme de navette lui a donné son nom.
L’estuaire de la Gironde est un espace hydrologique qui constitue un centre d’intérêt touristique du fait de son influence sur les régions environnantes, et du fait du développement de sites industriels de différentes sortes qui se sont implantés sur ses deux rives. Que vous soyez amateur de tourisme industriel, ou que vous vous intéressez plutôt aux beaux paysages, vous trouverez votre compte le long de l’estuaire de la Gironde.


 Le verrou de l’estuaire, œuvre de Vauban



Posée sur une crête calcaire à l’entrée de l’estuaire de la Gironde, la citadelle de Blaye verrouillait l’accès fluvial au port de Bordeaux, seule voie possible en venant du nord, puisque la ville n’aura de pont que dans les premières décennies du XIXe siècle. La fortification réalisée par Vauban, en moins de 5 ans
(1685-1689), était celle aux dires de son auteur dont il était le plus fier. Vauban compléta le système de défense, dont l'objectif principal était de protéger l'estuaire de la menace des flottes anglaises et hollandaises, avec la construction simultanée, sur la rive gauche du fleuve, de Fort Médoc. De forme grossièrement rectangulaire, Fort Médoc est cantonné de bastions réunis par des courtines. A partir de 1690, pour pallier les inconvénients d’une portée insuffisante des batteries d’artillerie, « une tour à canons » ovale, terme de la commande du roi lui-même, est érigée sur un îlot au milieu de la Gironde : Fort Paté.
les marais de Saint-Ciers, vastes étendues de prairies quadrillés de " jalles  bordées de roselière, découpées de chenaux ou d’esteys.
  

Les rives, une variété de paysages
En descendant le fleuve, le long de sa rive droite vont se succéder terres de palus, coteaux plantés de vigne ou falaises escarpées qui le dominent.
Au-delà de Blaye, nous trouvons
 

En son milieu se dessinent à fleur d’eau des bancs de sable et de limon " vasards " dont certains au fil du temps donnèrent naissance à un
archipel d’îles, langue de terre plates à la végétation sauvage ou bien cultivée en vignobles ou céréales, aux contours en perpétuelle mouvance au gré des crues et des assauts du fleuve.
Grèves laissant apparaître à marée basse les plis de vase, ou " aubarèdes ", enchevêtrement de troncs d’arbre et branchages charriés par la Gironde, les rives de l’estuaire offre des paysages variés, toujours remodelés, conséquence du mouvement incessant du fleuve.

Depuis Macau (pour la rive gauche) et Bourg-sur-Gironde (pour la rive droite) jusqu’à Pauillac, la partie amont de l’estuaire est occupée par un archipel d’une dizaine d’îles.
Localisation
D’une part, il existe deux grandes îles : -L’ensemble île Cazeau - île du Nord - île Verte (le plus souvent nommé sous le nom d’île Verte), proche de la rive médocaine (rive gauche) -L’ensemble île Nouvelle (île Sans-pain) – île Bouchaud, en face et au Nord de Blaye (rive droite) Puis, trois îles plus petites, restent individualisées : l’île Patiras (en aval de l’île Bouchaud), l’île Pâté (en face de Blaye) et l’île Margaux, dans le bras de Macau.
 

Elle est relativement récente et la première mention connue date du XIème siècle : il s’agit de l’île de Macau, actuellement rattachée à la rive gauche de la Garonne. A l’époque le bec d’Ambès n’allait pas si loin au Nord et l’île de Macau était sur l’estuaire. L’île de Patiras, au Nord de Blaye, serait apparue au Moyen-Âge (les lépreux y auraient fini leurs jours au XIVème siècle). L’île Cazeau est également signalée au XIVème siècle, puis les îles Carmeil, du Nord et d’Argenton au XVIème siècle. L’îlot de Pâté serait de peu antérieur à 1691, date à laquelle Vauban y fit construire le fort du même nom, constituant un élément essentiel de défense entre la Citadelle de Blaye et Fort-Médoc. Quant à l’île Verte, son existence n’apparaît pas sur les atlas de 1723 : en revanche elle est mentionnée sur les cartes de 1842. A l’époque, des chenaux séparaient nettement les trois îles actuellement réunies (îles Cazeaux
La rencontre de deux forces
Un estuaire se caractérise par l’affrontement de deux forces opposées: la marée d’une part et la poussée du fleuve d’autre part. Or, lorsqu’on compare ces deux forces dans l’estuaire de la Gironde, on s’aperçoit que ce rapport de forces est très disproportionné: à chaque marée, le volume d’eau de mer introduit dans l’estuaire est compris entre 1 et 2 milliards de m3, alors que dans le même temps le fleuve n’en apporte que 44 millions de m3. C’est pourquoi, particulièrement en période de forte amplitude, la marée peut se faire sentir très loin à l’intérieur des terres (jusqu’à 170 km). Inversement en période de crues la limite n’est qu’à 70 km de l’embouchure. La force de la marée est telle qu’en période d’étiage (faible débit fluvial) on assiste au phénomène de mascaret.
 

 
Sur le plan de la salinité, celle-ci s’accroît de la surface vers le fond. L’eau de mer étant plus dense, elle se "glisse" sous l’eau douce qui donc s’écoule en surface. Cependant, de par les courants, des mélanges se produisent au contact entre ces deux couches d’eau, ce qui donne naissance à de l’eau "saumâtre", de salinité intermédiaire entre les deux couches. Autre conséquence de la rencontre du fleuve et de l’océan : les mouvements d’eau qu’elle provoque vont influencer la circulation des sédiments dans l’estuaire avec la constitution des matières en suspension et du bouchon vaseux
Le chenal de grande navigation
Si l’estuaire fut et reste une voie de navigation fréquentée, c’est grâce à 2 chenaux de navigation qui pour continuer à être empruntés par les navires au tirant d’eau de plus en plus important durent être aménagés et entretenus par les hommes:
Le Chenal de Saintonge sur la rive droite et le grand chenal du Médoc sur la rive gauche, désignée comme la " voie royale " pour remonter le fleuve jusqu’ à Bordeaux. Arrivé à la hauteur de Blaye, l’estuaire est partagé en deux par un
archipel d’îles, ainsi qu’en amont entre le bec d’Ambès et la rive gauche, ce qui obligeait le navigateur à se faufiler entre ces îles. L’évolution des îles, l’émergence de nouvelles (apparition de l’île Verte au 18ème siècle en prolongement de l’île du Nord), ou de bancs de sables rendirent la navigation très difficile et dangereuse. Ce n’est qu’à la fin des 18ème et 19éme siècles (1750-1850) que des mesures sont prises pour l’aménagement de ce chenal.
Le phare de Cordouan se trouve à 7 kilomètres en mer, à égale distance des côtes girondines et charentaises. Il est le plus ancien des phares français encore en activité. Classé monument historique dès 1862 - en même temps que la cathédrale Notre-Dame de Paris - il a été construit sur un îlot rocheux aujourd'hui cadastré parcelle n°1 de la commune du Verdon-sur-Mer. Son architecture grandiose, résultat d'une histoire longue et tourmentée, a fait de Cordouan un Versailles de la mer, un phare unique au monde dont la visite ne peut que susciter l'émerveillement.
L'île apparue dans l'estuaire de la Gironde en 2009 est une île française sans toponyme observée pour la première fois en mars 2009. Située non loin du phare de Cordouan à l'entrée de l'estuaire de la Gironde, il s'agit d'un banc de sable sur lequel s'est installée une maigre végétation. Sa récente émersion et son avenir incertain ne lui a pas encore permis d'être attribué à une commune française ou au domaine public de l'État.
L’apparition des îles
Localisation
L'île est située dans le golfe de Gascogne, à l'entrée de l'estuaire de la Gironde. Elle est proche d'autres bancs de sable qui entourent le phare de Cordouan situé au sud-est. Saint-Palais-sur-Mer, en Charente-Maritime, se trouve à 2,7 kilomètres du phare de Cordouan, Royan à une dizaine de kilomètres et la pointe de Grave en Gironde à environ sept kilomètres
L'île est aperçue pour la première fois au mois de mars 2009. La date précise de son émersion est inconnue mais elle semble avoir été soudaine. Le passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest de la France à la fin janvier 2009 pourrait ne pas être étranger au phénomène. En effet, les matériaux qui la composent proviendraient de l'érosion du littoral méridional de l'île d'Oléron et de la Côte Sauvage de la presqu'île d'Arvert, situés au nord de l'île, et qui seraient venus s'accumuler sur les hauts fonds proches du phare de Cordouan.
Son maintien est toutefois difficile à prévoir à plus long terme, le phénomène étant encore trop récent. Il existe toutefois au moins exemple similaire, celui de l'
île Nouvelle apparue au XVIIIe siècle dans l'estuaire de la Gironde et qui existe toujours.

LES PORTS DE L'ESTUAIRE ET LES ACCES A L'EAU

Lieux concernés : Macau, Issan (Cantenac), Fumadelle (Soussans), Lamarque, Beychevelle, Saint-Julien, La Chapelle (Saint-Estèphe), La Maréchale (Saint-Seurin-de-Cadourne), Lamena (Saint-Yzans), Saint-Christoly, By (Bégadan), Goulée (Valeyrac), Richard, Charmail (Jau Dignac et Loirac), Saint-Vivien, Talais, Neyran (Soulac) Callonges, Plassac, Port-Neuf, Cubzac-les-ponts, La Plagne, Ambès

Les nombreux ports de l'estuaire sont autant de mémoire de l'activité du fleuve. Ostréiculture dans le Bas-Médoc, transport du vin dans le Haut-Médoc. Situés à la frange incertaine et variable de la terre et de l'eau, fabriqués à partir de constructions légères et aériennes, ce sont les seuls lieux possibles d'accès au bord de l'eau. A ce titre ils méritent d'être remis en valeur et les actions visent à :

-
Signaler et mettre en scène les routes et chemins menant vers l'eau.

Comme les chemins d'eau, les chemins de terre ou de bitume qui mènent au fleuve ou à la rivière méritent d'être mis en scène dans le paysage :

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favoriser les circulations en digues, qui ouvrent des vues précieuses dans les paysages plats des abords des fleuves et des rivières ;
-
accompagner les voies de plantations d'arbres qui cadrent les vues sans les masquer et, "de l'extérieur", qui signalent dans le paysage horizontal des zones humides la présence de la route.
-
Restaurer et mettre en valeur les cabanes, guinguettes ou autres constructions liées au port (ouvrages hydrauliques) en ayant soin de garder leur légèreté et leur structure aérée ( construction sur pilotis, matériau en bois, transparence sur le fleuve , pierres pour les chenaux...).
-
Aménager des promenades le long du fleuve et sur le marais par l'installation de caillebotis en bois, en évitant tout mobilier à caractère trop urbain.
-
Respecter et affirmer le caractère du marais en sauvegardant ou en replantant une ripisylve le long de la berge : saules, frênes, chênes, peupliers, aulnes... (protège de l'érosion) et en développant la diversité végétale de la roselière : joncs,phragmites, scriptes, angéliques, massettes... (végétation herbacée)
Côté rive droite, on parle de la rive opposée comme d’un monde à part. « Vous verrez, l’estuaire est une frontière. » « Ah ! vous passez de l’autre côté, là-bas c’est autre chose. » «Là-bas, c’est le désert. » Ces phrases nous ont fait sourire tant nous étions persuadés de ne rien découvrir de si différent : ce ne sont pas quelques kilomètres parcourus par bateau en moins d’une heure qui vont changer les choses.
 
Et puis la récurrence du discours a fini par nous intriguer. Nous avons fait la traversée et effectivement, nous sommes passés dans un autre monde. Celui de la rive gauche, des grands châteaux du Médoc qui font frémir de plaisir l’amateur de grands vins : Margaux, Pauillac, Beychevelle, Saint-Estèphe… Autant de villages aux noms prestigieux ponctués de magnifiques châteaux non moins prestigieux.
 
En dehors de la vigne, le vide. Une bande de terre comme un no man’s land, coincée entre l’océan atlantique et l’estuaire de la Gironde, isolée de fait par sa situation géographique. Il n’est plus question ici de département. Celui de la Charente-Maritime s’étend sur la majeure partie de l’estuaire, en sa rive droite, mais il laisse place au département aux environs de Blaye, célèbre citadelle à l’architecture militaire reconstruite par Vauban. Puis ce même département couvre toute la rive gauche.

Mais rappelez-vous : l’estuaire est une frontière. Les rivages eux-mêmes semblent ne pas vouloir contredire cette réalité qui s’affiche avec majesté à droite en de superbes falaises.
 
La rive gauche est plus marécageuse, plus plate, plus humble donc. Les ports ne sont que de petites anses qui accueillent peu de bateaux. À gauche, seule la vigne semble avoir pris sa revanche. Si la rive droite est fière de son vignoble, les côtes de Blaye, il ne peut rivaliser avec celui du Médoc. « Ici, on a coutume de dire que les plus belles vignes regardent le fleuve. », nous dit fièrement le propriétaire du magnifique château de Loudenne en bordure d’estuaire – rive gauche bien sûr – alors que nous dégustons son vin à la tombée du jour. Le fleuve ? Une autre façon de qualifier cet estuaire qui, au matin, se teinte d’une couleur rose magnifique semblable à celle du château. Cette harmonie-là, nous ne l’avons pas rêvée mais bel et bien vécue au lever du jour, alors que le pays se réveillait.
 

L’écart entre le rêve et la réalité n’est peut-être pas aussi grand que ce que l’on supposait au début de notre voyage. L’estuaire de la Gironde est un monde à part qui n’a que faire des divisions administratives. Seules comptent l’eau et la terre soumises, à droite comme à gauche, au rythme des marées.
L'estuaire de la Gironde s'étend sur les deux régions françaises que sont l'Aquitaine et le Poitou-Charentes.
Ainsi la Gironde est l'estuaire commun de deux fleuves : La Garonne et la Dordogne dont les cours d'eau se rejoignent au Bec d'Ambès.

Les lieux ont une histoire grâce au développement du commerce maritime développé par Colbert.
C'est aussi la proximité du port de Bordeaux qui attira de nombreux bateaux tout au long de son parcours. De nos jours le trafic maritime reste important.

En empruntant l'estuaire on constate aussi qu'il est longé d'un patrimoine notoire avec à, son embouchure, la Pointe de Grave, le Phares de Cordouan et de la Coubre.
C'est aussi l'estuaire qui alimente les vignobles de Blaye.

              L'ESTUAIRE ET LES PETITS PORTS L'estuaire de la Gironde est le plus vaste d'Europe.    Fort d'une longue tradition maritime, le fleuve est bordé de petits ports pittoresques qui vous dévoileront un panorama exceptionnel.  Un peu d'histoire: Ils sont nés à l'embouchure des Esteys, affluents du fleuve soumis aux marées. Leurs cales et berges empierrées permettaient l'accostage des gabarres et des yoles, mais aussi des barques à fond plat remontant les canaux qui s'enfoncent dans les terres. Ils ont connu, à compter du XVIII° siècle, grâce au transport des produits agricoles et en particuliers viticoles, un essor économique qui dura 2 siècles. Si le transbordement de passager, offert par plusieurs compagnies maritimes pour les rallier depuis Bordeaux à Royan, disparaît progressivement après 1950, la pêche est restée une activité traditionnelle.

LE PORT DE SAINT-CHRISTOLY: Le seul port de l'estuaire qui se situe dans le village. Jadis florissant, aujourd'hui renaissant, le port est un lieu de convivialité et d'échange. L'activité de la pêche est toujours présente (poissons migrateurs, civelles, aloses, lamproies...) ainsi que tous les oiseaux saisonniers, pluvieux, grives, tourterelles...
LE PORT DE BY A BEGADAN
: Jusqu’en 1939, le port de By conserve une activité commerciale et les gabarres acheminent vers Bordeaux des barriques de vin, revenant chargées de diverses denrées destinées à Bégadan et, surtout, à Lesparre. La pêche et l'ostréiculture sont pratiquées jusqu'en 1985.

LE PORT DE LAMENA A SAINT-YZANS: Petit port bordé de carrelets, plein de charme où les soirées d'été y sont agréables.  le port de Goulée




PHOTOS D’HIER  








































PHOTOS D’AUJOURD’HUI


Port de la Maréchale




la Pointe de Grave


Port de Laména

Port de Talais


Port privé Château Loudenne


Port de la Chapelle


Port de Richard


port de St Christoly


Port de St Vivien de Médoc


Port Médoc le Verdon


le Phare de Cordouan

La dernière minoterie de Mortagne
Lorsque le dépôt de Gers-Farine ferme à La Rive, à la fin de l’année 2008, l’histoire de la meunerie à Mortagne, vieille de plus de cinq siècles, s’achève.
LA MEUNERIE À LA RIVE Situation historique
À la fin du Ier Empire, en 1814, l’Annuaire historique et statistique du département de la Charente Inférieure dénombrait deux moulins à eau (le moulin de Fondevine et le moulin de La Rive) et dix- huit moulins à vent. Ils fonctionnaient depuis longtemps. Le dénombrement des biens immobiliers attachés à la princi­ pauté de Mortagne, en 1666 pendant le règne de Louis XIV, compte parmi ces biens, « un moulin à eaüe avec ses appartenances de jardin et autres appelé le moulin de La Rive, qui confronte du bout du couchant au chemin par lequel on va du bourg de Mortagne au port de La Rive, d’un côté au chenal dudict Mortagne, d’autre bout du midy aux communaux et chemin qui conduict à La Gra­ velle, d’autre costé de l’orient à l’estier et cours d’eau dudict moulin, et contient trente cinq car­ reaux ou environ. » Presque dix ans plus tard, le Prince de Mortagne, qui succède à Phœbus d’Al­ bret, accorde pour ce moulin un bail à rente au sieur Roux, et quatre-vingts ans encore plus tard, sous Louis XV, le 29 décembre 1752, le greffe de la Principauté de Mortagne agissant pour le Prince qui est alors le Sire de Pons, enregistre un bail à ferme du moulin au bénéfice du sieur Bon. On peut penser que le statut du moulin se poursuit ainsi jusqu’à ce que, vraisemblablement dans les années 1780, à la fin de l’Ancien régime, le moulin soit vendu par le détenteur du pouvoir sei­ gneurial à un acquéreur bourgeois ou meunier. Le 25 avril 1793, l’An I de la République, le moulin est vendu par la veuve Forestier au sieur Boudin, notaire à Mortagne, qui afferme le moulin de La Rive au Sieur Pellisson. Ce sera le dernier propriétaire non exploitant du moulin, avant que le sieur Mouchet, meunier exploitant, achète le moulin en 1823 à l’héritière de M. Boudin. Le meunier Mou­ chet exploitera le moulin jusqu’en 1851 lorsque celui-ci sera racheté par l’administration des Ponts et Chaussées pour mettre en place “le projet d’amélioration du port”.
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Un projet industriel
Nous avons consacré ce long paragraphe au moulin de La Rive parce que l’activité et l’emplace­ ment de celui-ci annoncent le projet industriel des minoteries à vapeur qui s’installeront au port presque quinze ans plus tard. Au cours du long conflit qui l’a opposé à l’administration des Ponts et Chaussées, le meunier Mouchet écrit, le 10 janvier 1848, à propos de son moulin au bord du port, de son activité et des développements qu’on peut en attendre : « Je n’aurais pas de peine à vous démontrer, si vous le désirez, que mon usine telle qu’elle est exploitée, c’est-à-dire sans que mon industrie doive entrer en ligne de compte, me donne, année moyenne, plus de deux mille francs de revenu net. Si je voulais me livrer au commerce, je serais dans les meilleures conditions possibles pour cela, placé sur le bord d’une grande route et d’un fleuve qui apporteraient jusque sous les murs de mon établissement les grains nécessaires à son exploitation et qui prendraient de même les produits fabriqués pour les porter dans la contrée et dans le Médoc où je trouverais un large débouché, il me serait facile de tripler mon revenu. » On peut voir encore aujourd’hui le moulin de La Rive à l’angle de la Vieille Côte (la rue du Port) et du bassin (la rue de l’Ermitage), dont les bâtiments sont dans l’état qui correspond à sa restauration en 1793 par le notaire Boudin.
L’aménagement du quartier de La Rive
Lorsque s’achèvent en 1853 les travaux d’aménagement du bassin et du quartier de La Rive, il n’existe plus de meunerie au port. Les plans d’urbanisme des bâtiments du port, “habitations et magasins” établis en 1837, à l’exception d’un entrepôt Seguinaud-Parias, ne mentionnent aucune propriété Vérat à l’emplacement de l’usine d’aujourd’hui. De 1851 à 1864, seuls fonctionneront les nombreux moulins à vent de la campagne sur la falaise, et le moulin à eau de Fondevine. Ils sont alimentés et desservis par les chargements en froment à l’arrivée et en farine au départ, tous ve­ nant ou en direction de Bordeaux, affrétés à cette époque par ceux qui deviendront les minotiers de La Rive, Victorin Parias et Pierre Vérat.
L’EMPIRE VÉRAT Une famille de meuniers
Pierre Vérat, fondateur de la minoterie qui vient de fermer, appartient à une famille de meuniers du Terrier des Moulins où, en 1856, travaillent deux familles (frères ? cousins ?) : Jean Vérat, qui signe Vérat-Cochain, né en 1789, et Pierre Vérat, époux de Marie Manceau, né en 1808, qui se dit être meunier et marchand de grains sur les recensements de la population. En 1861 Pierre Vérat, son fils né en 1835, habite avec ses parents le Terrier du Moulin et exerce la profession de mar­ chand de grains. Il se marie en 1862 avec Laurencine Tétard ; leur premier enfant, une fille, Marie- Jeanne, naît au Terrier du Moulin en 1863. Deux ans après, le 27 avril 1865, naît à La Rive un pre­ mier fils, Pierre, qui ne vivra pas ; son père sur les actes d’état-civil est désigné comme négociant. Une année plus tard, en 1866, les listes nominatives du recensement attestent de l’implantation et du fonctionnement de la minoterie qui sera pourvue d’une machine à vapeur en 1864, une source d’énergie nouvelle qui éliminera bientôt les moulins à eau et à vent. Pierre Vérat y est désigné comme minotier. Il habite La Rive avec sa femme et sa fille, deux domestiques et, au service de la nouvelle minoterie, logés dans le même bâtiment, un ouvrier Auguste Bouyer et un chauffeur pour la chaudière, Pierre Petit. La même année, le 25 août, naît Pierre Vérat (5 jours plus tard, le 30, naît Victor, Marie, Gustave Parias, fils de Victorin Parias minotier à La Rive). Les deux dynasties meunières qui ont choisi la modernité et l’économie maritime sont donc installées. L’une d’elles, la minoterie Vérat, traversera le siècle suivant.
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Le projet d’expansion industrielle
Dès lors se développera le projet d’expansion industrielle de Mortagne à partir de l’activité et des ambitions des minotiers qui se désignent désormais comme “industriels”. La minoterie Vérat y oc­ cupera le rôle principal. Le dossier établi par l’Inventaire Régional du Patrimoine Industriel indique que la minoterie a été agrandie par deux fois, la dernière fois en 1909 ainsi qu’on peut le constater aujourd’hui à son fronton. Le bâtiment était destiné au traitement du son. La capacité de mouture était, semble-t-il, de 325 quintaux par jour. Avec le grain des agriculteurs de la région, la minoterie était approvisionnée à partir de Bordeaux par gabares, qui emportaient en retour la farine vers le Médoc et vers Bordeaux ; on peut encore voir aujourd’hui sur le trottoir et sur le quai des rails qui servaient à faciliter le trajet des “diables” de la minoterie aux bateaux. Dans les années 1930, la minoterie Vérat-Dugoujon possédait deux gabares, le Jacques dont le patron était Alfred Des­ noyers, et le Papillon dont le patron était M. Berton.
Dans les années 1890, Pierre Vérat le père se retire dans sa propriété de la Charmille où il fait édi­ fier sa statue de bronze, le bras tendu désignant de l’index la Gironde, Bordeaux et le Médoc, là où se développait la prospérité de son industrie (la statue disparaîtra dans les confiscations de mé­ taux non ferreux de l’armée allemande en 1942). L’activité de la minoterie restait sous la responsa­ bilité de sa fille cadette, Marie-Marguerite, qui mourra centenaire en 1970, et de son gendre Jean- Baptiste Dugoujon, un avocat bordelais influent qui sera conseiller d’arrondissement et maire de Mortagne de 1904 à 1935.
La modernisation de l’usine
L’équipement technique de l’usine est renouvelé et modernisé périodiquement. L’utilisation de l’énergie du gaz pauvre succède à celle de la vapeur, alimentée toujours par des bateaux de char­ bon anglais. En 1936, le dossier de l’Inventaire Régional du Patrimoine Industriel décrit un dispo­ sitif technique employant pour sa force motrice « normalement de 120 CV fournie par un moteur à gaz pauvre Winterthur. L’équipement se compose alors de 3 broyeurs, de 7 convertisseurs, 1 désagrégateur, 2 planchsichters, 1 bluterie centrifuge, 2 bluteries rondes et 1 bluterie hexago­ nale. »
Le personnel
En l’absence d’une série continue d’archives, on ne peut que se fonder sur la mémoire de ceux qui ont connu l’activité de l’usine, pour tenter de se représenter la vie du personnel. Tous les témoi­ gnages seront les bienvenus pour compléter ce premier essai d’histoire. À partir des années 1920, semble-t-il, l’organigramme de l’usine est composé d’un directeur (M. Boisseau, puis M. Chotard, M. Riffaud, M. Linhardt et enfin Jean-Pierre Fleury qui fut le dernier propriétaire de l’usine), d’un chef meunier (M. Roussary père, entré à l’usine dans les années 1920, fera pendant 40 ans car­ rière à l’usine ; son fils lui succèdera). Ils dirigeront une vingtaine d’ouvriers, de manutentionnaires et plus tard de chauffeurs. L’usine emploiera aussi des femmes, trois ou quatre, pour raccommo­ der les sacs de farine en toile de jute ; Louise Prunt sera la dernière d’entre elles. Les services ad­ ministratifs sont composés de deux secrétaires et d’un comptable, dont l’un d’entre eux fut Mon­ sieur Frérot. La minoterie était le plus gros employeur de la commune, « Ça a fait vivre beaucoup de gens », regrette-t-on. Madame Dugoujon continuait d’habiter près de l’usine, si sa fille et son gendre M. Fleury, puis celui de ses petits-fils, Jean-Pierre qui avait repris la direction de l’entre­ prise, habitaient la Charmille. Presque la totalité des maisons du quai appartenaient à l’usine. Les cadres et certains ouvriers y logeaient, proches les uns des autres. « Madame Dugoujon aimait avoir son monde autour d’elle. C’était soudé, et c’était l’Empire. »
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Les années 1940 - 1950
Au cours des décennies l’activité de l’entreprise s’est transformée. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, selon les accords d’armistice, une partie de la production fut réquisitionnée par la Wehr­ macht. Et c’est en 1944 qu’une action de ravitaillement par mer des troupes allemandes enfer­ mées à Royan, imposant aux marins du port de transborder les sacs de farine à leur bord, dut su­ bir une attaque d’un groupe des Forces Françaises de l’Intérieur, ce qui a entraîné le jour suivant, par la mer, un bombardement de représailles sur La Rive.
À partir des années 1950, le commerce par bateau disparaît, les livraisons s’opèrent par camions de deux chauffeurs, car les sacs pesaient, dit-on, 100 kg, et ceux-ci devaient se relayer pour livrer la farine dans les réserves souvent peu accessibles des boulangers. Les agriculteurs ont continué pendant quelques années, au mois de juillet, à apporter leur blé dans des charrettes, puis dans les remorques des tracteurs, et, après avoir pesé la livraison sur le pont à bascule que l’on peut en­ core voir, ils déversaient leur récolte dans les silos par de grandes trémies de bois en répandant une bonne odeur de grains.
Modifications de l’organisation de l’entreprise
Les transformations de l’industrie agroalimentaire en France et en Europe dans les décennies qui suivirent, des difficultés de gestion et de santé, imposèrent des modifications de l’organisation de l’entreprise. En 1969, la Société des Moulins de l’Estuaire est créée en association avec la minote­ rie Jacques Chevalier des Monards, désormais toute la fabrication s’effectuera à Mortagne. Tou­ jours selon l’Inventaire Régional du Patrimoine, « l’ensemble du matériel de mouture est renouvelé en 1980 ». Presque vingt ans après, l’entreprise est vendue à Gers-Farine qui n’y assure plus de fabrication, et en 2008 l’activité commerciale qui y était exercée s’est achevée.
Ainsi disparaît le dernier vestige du rêve industriel de Mortagne.
Noëlle Gérôme
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Nous remercions pour leurs informations madame Dany Roussary, monsieur Jean Ozellet, et nous renvoyons les lec­ teurs au Musée de la carte postale de Mortagne qui apporte à ce texte les compléments en images.
La Parfaite, une filadière sur l’estuaire
La Parfaite de Haute-Saintonge, qui a emprunté le toponyme de la propriété agricole, jouxtant le port de Vitrezay, sur la commune de Saint- Sorlin-de-Conac en Charente-Maritime, porte bien son nom. Pour les amateurs de classification, on la range dans la catégorie des filadières. Mais que recouvre et qu'à recouvert, au cours des âges, ce terme générique. Pour certains auteurs, Restaut en 1801, Bonnefous en 1856... le nom viendrait certainement de la forme de son étrave et de son étambot : en effet les deux extrémités relevées et pointues de sa coque rappellent la navette des filandières, ces femmes fileuses, baptisées comme les sœurs Parques qui filaient, dévidaient et coupaient le fil de la destinée des humains. Cette étymologie séduisante, mais sujette à caution comme à chaque fois, a le mérite de souligner, les caractéristiques marquantes et originales de ce bateau. Et si cette dénomination de filadière qualifie des embarcations quelques peu différentes, selon les
auteurs, toutes arborent un avant et un arrière pincés. Par contre les définitions ou représentations iconographiques différent parfois, et reflètent les adaptations à un environnement et une utilisation donnés.
En 1679, un ouvrage illustré, attribué à Jean Jouve, la présente sur les planches des bateaux armés à Royan et à Bordeaux. On y apprend les deux vocations de cette dernière : petit bateau de charge et de pêche (alors armée par 2 hommes et un garçon). Au XVIIe siècle, elle pouvait transporter bois, blé et foin. Une carte postale ancienne, en montre une chargée de sacs dans le petit port de Saint-Seurin-d'Uzet et un témoignage oral récent, relate l'utilisation de filadière dans la région de Roque-de-Thau, pour le transport de moellons des carrières voisines, les gabares se chargeant des pierres de taille. Le document de Jouve, comme la célèbre peinture du port de Bordeaux de Joseph Vernet, nous montre la filadière avec un tillac avant et arrière, une voile carrée, voire rectangulaire avec « une envergure beaucoup plus réduite que sa chute ». En 1869, Bescherelle la décrit comme une embarcation portant « une voile carrée, deux latines et une d'étai qui borde sur le beaupré ». Kerchove, lui, dans son dictionnaire de 1948, la présente gréée d'une voile au tiers dormante, manœuvrée par un rocambeau qui coulisse le long du mât. Des photographies de régates de filadières, préfigurant une utilisation pour la plaisance (*) confirment l'utilisation d'un foc installé sur un bout-dehors, haubané par un bout tendu sur un crochet de bois fixé sur l'étrave du bateau, au-dessus de la ligne de flottaison. Ces régates corroborent les propos de Kerchove qui écrivait « beaucoup de ces bateaux sont utilisés pour la course et sont très rapides sous voiles ».
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La Parfaite de Haute-Saintonge, quant à elle est également équipée d'un flèche. La position du mât très en avant, dès le départ, privilégie les allures portantes, vent arrière ou grand largue. La voilure carrée ou au tiers « correspond à un choix technique adapté à une fonction et à un espace de navigation, faisant appel alternativement et régulièrement à une propulsion à la voile et à
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l'aviron ». Excentré, ce type de gréement permet de carguer la voile le long du mât, d'affaler facilement l'ensemble pour éviter le fardage et optimiser la dérive du bateau en pêche... Duhamel du Monceau, dans son Traité des pesches de 1779, apparente la filadière aux coureaux ou gabarets (d'autres auteurs la rapprocheront de l'anche de pêche ou lanche) ; les dimensions qu'il en donne correspondent approximativement à celles qu'on lui connaît aujourd'hui. Par contre, pour lui, les bordages au nombre de six sont à clins et non à franc bord comme les actuelles. Les membrures des bateaux plus anciens ou répliques : Clairette et La Parfaite sont chantournées, celles de Valaisdire, l'Amynata de conception plus récente sont bouillies et ployées, quant à Catch- me, elle possède les deux.
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Revenons un instant sur la morphologie des deux extrémités de la coque, l'étrave est « légèrement arrondie, plus élevée et plus longue que l'étambot » positionnant le tirant d'eau à l'avant. Si surprenant que cela puisse paraître, rien d'anormal ici, quand on sait que ce type de bateau devait, sur la Dordogne et la Garonne, affronter le mascaret ou, plus en aval, le clapot dur du jusant couplé à un vent de noroît. L'arrière, également pointu, serait lié pour François Beaudouin à la pratique de l'échouage par l'arrière. En pêche, une fois le safran relevé, pour ne pas crocher le filet, cette forme permet de hisser aisément ce dernier en tirant et en remontant sur lui, à la fin d'un lan. L'environnement dans lequel évoluaient ces filadières était celui, nous venons de le voir, de la Garonne, de la Dordogne ou de la rivière de Bordeaux, pour ne pas dire la Gironde. Ici et là, elles transportaient parfois, ou pêchaient, lamproies, aloses, maigres, esturgeons ou autres poissons. Comme le précisait Duhamel du Monceau, « ces bâtiments ne sortaient guère de la rivière. Quelquefois cependant par les beaux temps, ils vont jusqu'à la tour de Cordouan ». Écrites au XVIIIe siècle, ces quelques lignes se sont vérifiées, souvent par la suite. Pierrot Gadrat, ne me contredira pas, lui qui, alors enfant, partit en famille et en filadière, passer des vacances estivales en août 1959, à Cordouan, au Verdon et à Royan avec Simon, son père à la barre. Camping sur l'eau, avec le taud pour se protéger. Il est vrai que les bateaux de cette époque connaissaient le chemin qui mène à l'embouchure, car les anciens racontent qu'ils venaient y “couler” leurs filadières et autres bateaux dans le port du Verdon, afin qu'ils se gorgent de
sel et ne subissent trop rapidement, une dégradation due à des bains prolongés dans des eaux trop douces ou saumâtres...
De jeunes griouttes vont même les faire naviguer dans les Pertuis charentais ou les eaux bigoudènes, afin que les Bretons puissent admirer les lignes sublimes de la Parfaite... Ce rapide descriptif, montre que comme ses sœurs, la Parfaite mérite bien son nom, car elle est parfaitement adaptée à son milieu, que ses spécificités surprenantes sont le résultat d'une compréhension de ce dernier, que les améliorations successives correspondaient, avant l'heure, à ce que l'on qualifie aujourd'hui de “développement durable”, car ce bateau vieux de plus de cinq siècles, même si on ne le comptait plus que sur les doigts d'une main, grâce au travail acharné d'associations et de bénévoles, a encore de beaux jours devant lui. Mais il reste de nombreux fils à dérouler, comme nos filandières
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grecques, pour révéler toutes les richesses et les mystères de ce bateau que “Voiles traditionnelles de Haute-Saintonge” est fière de barrer dans les eaux mêlées de notre estuaire.
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Guy Landry Président de Voiles traditionnelles de Haute-Saintonge
(*) La filadière Catch-me de la famille Mossant de Port Maubert, présentée au Musée maritime de Port Rhu à Douarnenez, construite en 1950, ne l'a été que pour la plaisance.
Le SAGE “Estuaire de la Gironde”
Depuis l’Antiquité la nécessité d’une gestion concertée des eaux s’est imposée, en particulier dans les régions de climats méditerranéens et sub-désertiques. La prise de conscience a été beaucoup plus tardive en zone tempérée où la gestion des eaux résultait pendant longtemps de dispositions à caractère local et coutumier.
SDAGE et SAGE
En France, la promotion d’une gestion intégrée des eaux et des milieux aquatiques n’a été généralisée que dans le cadre de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992. Il a été alors décidé que la gestion devrait recouvrir une unité fonctionnelle (par exemple : une rivière et son bassin versant), son fonctionnement, les ressources en eau (régime, qualité), leur protection et leur utilisation. Dans les grands bassins, la loi a prévu que la mise en application de ces objectifs se ferait dans le cadre de “Schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux” (SDAGE) et que, locale- ment, ces SDAGE pourraient être précisés et détaillés dans des sous-unités hydrographiques cohérentes : les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE).
L’élaboration d’un SAGE doit réunir trois facteurs clés ;

  • -  un périmètre ayant une cohérence physique et une taille “opérationnelle” (de 1000 à
    2000 km2 ;
  • -  une concertation démocratique dans le cadre d’une commission dite “Commission locale
    de l’eau” ;
  • -  une échéance à moyen terme (10 ans environ).
    L’estuaire et le SDAGE Adour-Garonne
    Le SDAGE adopté par le Comité de Bassin Adour-Garonne en 1996 avait classé l’estuaire de la Gironde parmi les “unités hydrographiques de référence”, première étape de la préparation d’un SAGE. En outre, l’estuaire figurait dans la liste des “zones humides d’importance majeure” ainsi que dans celle des “secteurs sensibles des grands systèmes aquifères captifs” et dans celle des “milieux aquatiques remarquables ou zones vertes” et celle des “axes migrateurs prioritaires ou zones bleues”. Pour autant et malgré toutes les particularités physiques et administratives de l’estuaire rendant sa gestion très délicate, aucun projet de réalisation d’un SAGE estuaire n’avait été envisagé par les autorités responsables.
    La naissance du Collectif Estuaire
    Or, en juillet 2000, le Conservatoire de l’estuaire de la Gironde apprend – presque par hasard – l’existence d’un projet d’exploitation des graviers dans les fonds de l’estuaire à titre dérogatoire, ce type d’exploitation étant interdit en estuaire sauf dérogation. Le Conservatoire organise alors une réunion d’information à laquelle il invite la DRIRE à venir présenter et discuter le projet. La DRIRE décline l’invitation et informe que l’acceptation du projet ne dépend plus que de l’accord de révision du plan d’occupation des sols de la commune de Saint-Ciers-sur-Gironde. Alertés par le Conservatoire, les présidents des deux Conseils généraux de Gironde et de Charente-Maritime prennent clairement position contre le projet. Le Conservatoire de son coté regroupe un grand nombre d’associations qui constituent le Collectif Estuaire avec pour objectif la défense du système.
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Le Smiddest
Au plan administratif, les deux conseils généraux créent le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire (Smiddest) qui, après consultation, se prononce pour l’étude de la faisabilité du SAGE Estuaire de la Gironde, seul outil permettant la mise en cohérence des problématiques de gestion de l’estuaire (navigation, extraction, préservation des ressources naturelles, gestion des pollutions, entretien des rives, etc.). Le Smiddest demande à un bureau d’études la préparation d’un rapport sur l’opportunité d’un SAGE (2002) et organise un colloque de discussion du projet en novembre 2003. Conformément à la loi, le projet est soumis à l’avis du préfet, accompagné de propositions concernant la composition de la Commission locale de l’eau (CLE) chargée de la préparation du SAGE.
La CLE, une commission pour préparer le Sage Estuaire
Cette commission devait comporter 1/3 de membres élus, 1/3 de représentants des usagers et associations et 1/3 de représentants des services de l’État. Le préfet accepte le périmètre géographique proposé et adopte le projet puis met officiellement en place la CLE, le 10 mars 2006. Dans le collège des associations, le Collectif Estuaire et le Conservatoire de l’estuaire ont été représentés et ont participé à toutes les réunions de la CLE, au nombre de quatorze, qui se sont échelonnées sur 4 ans. La dernière réunion, qui a eu lieu le 13 septembre dernier, a fait l’objet d’un vote au cours duquel le projet de SAGE a été adopté à une forte majorité (47 voix pour ; 3 contre ; 4 abstentions). Ce projet va être maintenant soumis pour avis aux collectivités et fera l’objet de révision prenant en compte les remarques formulées.
Consultable sur Internet
Sous sa forme actuelle, le SAGE peut être consulté sur le site Internet (www.sage-estuaire- gironde.org/site/documents.php). Il comporte le Plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD) et son annexe, le règlement et le rapport environnemental. L’importance du SAGE tient avant tout au fait qu’il est opposable aux tiers et obligatoirement respecté par les documents d’urbanisme sur les rives de l’estuaire et pour la gestion du système. Parmi les mesures adoptées et pouvant avoir une importance particulière pour la gestion durable de l’estuaire sont présentés ci- dessous quelques points plus importants.
http://www.sage-estuaire-gironde.org/
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Les débits fluviaux en question
Les débits fluviaux ont fait l’objet de discussion afin de préserver autant que possible les débits d’étiage très dépendants des prélèvements en amont des fleuves. On sait en effet que ces débits sont responsables des déplacements et de l’importance du “bouchon vaseux” lui-même contrôlant l’oxygénation des eaux donc la biodiversité et la diffusion des polluants organiques et minéraux. En outre, la position du bouchon vaseux conditionne le fonctionnement de la centrale nucléaire du Blayais. Ces questions risquent d’ailleurs de revêtir une acuité toute particulière dans l’avenir, en raison des changements climatiques. Une mesure qui a retenu tout particulièrement l’attention est celle de l’interdiction de renouvellement et d’accroissement des extractions des granulats dans les fonds de l’estuaire, par annulation de toute possibilité de dérogation. Ces mesures ont fait l’objet de nombreux débats clôturés par un vote à très forte majorité.
Digues et zones humides
Un autre point important est celui de dispositions pour préserver les zones humides. Fortement discutées par les représentants de l’agriculture, des mesures spécifiques devraient permettre de mieux préserver ces milieux indispensables au bon fonctionnement de l’estuaire. La gestion des digues constitue également un autre point qui a retenu l’attention de plusieurs sessions de la CLE. L’absence de toute concertation dans la gestion de ces digues est inquiétante lors des crues. Le SAGE devrait apporter des améliorations pour cette gestion trop longtemps laissée aux individualités.
Autres préconisations
L’amélioration du rendement des stations d’épuration est aussi une disposition que le SAGE a fortement préconisée, en particulier au niveau de l’agglomération bordelaise qui devra terminer la mise aux normes des stations. Avec la recommandation de mise en place d’un plus grand nombre d’échelles à poissons sur les ouvrages hydrauliques sur les fleuves, ces mesures devraient contribuer à la restauration espérée des faunes d’espèces menacées (Esturgeon, Alose, Anguille, etc.).
En conclusion
En conclusion, même s’il n’est pas possible dans le cadre de ce bref article de détailler toutes les conséquences positives pour la protection de l’estuaire que l’on peut attendre du SAGE, il est évident qu’il s’agit d’un outil contraignant qui était réellement indispensable pour la gestion durable de l’estuaire. Dans l’élaboration de cet outil, il faut enfin souligner que le Conservatoire de l’estuaire et le Collectif Estuaire ont, dès le départ, exercé un rôle déterminant.
Histoire de la famille Lawton
L'histoire de la famille Lawton en France commence en 1739 lorsque le jeune Abraham Lawton débarque à Bordeaux en venant de Cork en Irlande. Il est âgé de 23 ans ; né en 1716 il a deux sœurs, Sarah et Rebecca, et deux frères, Hugh (1711-1784) et William (1722-1771) ; tous étaient de religion protestante.
Seul Abraham s'installa à Bordeaux
Il y avait en Irlande, dans le même comté de Cork, et avant eux, une autre branche de la famille Lawton dont l'un d'entre eux, Hugh, fut maire de Cork en 1776. Son portrait vient d'être restauré et est placé dans l'escalier d'honneur du musée de Cork. De toute cette famille, seul Abraham (1716-1776) s'installa à Bordeaux où il épousa le 24 novembre 1745 Charlotte Selves bordelaise demeurant rue du Loup.
Dès son arrivée il fait des chargements de vins pour Cork et on le voit en relation avec sa famille d'Irlande qui ne s'était installée dans ce pays qu'en 1690 venant d'Angleterre. Mais Abraham ne paraît pas heureux dans ses débuts ; il cesse d'être négociant pour se consacrer aux affaires de courtage en vins à partir de 1742. Il exerce pendant trente ans et meurt le 3 Janvier 1776. Il a de nombreux enfants souvent décédés très jeunes.
Les prémices d'un classement des vins du Médoc
Mais un de ses fils, Guillaume mon aïeul, entre à 17 ans dans les affaires de courtage qu'il exerce pendant 52 ans. Il donne à sa profession le plus grand relief ; en particulier il écrit des notes dont le “fameux” carnet de 1815 où il donne déjà les prémices d'un classement des vins du Médoc qui deviendra officiel en 1855. Il se retire après une longue et honorable carrière en 1825 et meurt en 1835.
Il avait épousé en 1790, à 31 ans, Mademoiselle Raynaud dont il eut trois fils. À son mariage avaient signé des témoins, tous Irlandais ou Anglais, Black, Skinner, Barton, Johnston et Mac Carthy. De ses trois fils, c'est notre aïeul Jean-Édouard Lawton (1794-1869) qui mena le bureau avec le fils de son frère, William (1824-1902). Tous deux avaient épousé des demoiselles Guestier. Entre temps les Lawton s'étaient associés à la famille Tastet en 1830 pour former le bureau Tastet & Lawton.
Le confident et le chauffeur de mon père
Jean-Édouard eut un fils, Daniel (1820-1879), mon arrière grand père qui épousa lui aussi une demoiselle Guestier prénommée Georgina. C'est grâce aux notes de mon grand père Édouard, né à Bordeaux en 1846, que j'ai eu ces renseignements. De son mariage avec Laure Lalande, née en 1846, il eut sept enfants dont mon père, Daniel Lawton (1881-1979).
Né en 1930 à Soussans, au château du Paveil dans la famille de ma mère Simone de Luze (1897- 1997), j'étais leur troisième enfant. Entré dans le bureau de courtage en mai 1952, j'ai été pendant 20 ans environ le confident et le chauffeur de mon père qui ne savait pas conduire. Il était très sportif, chasseur de bécassines dans les marais de Bordes à Parempuyre, champion de France de Paume en 1924, sélectionné en tennis aux Jeux Olympiques d'Anvers en 1920 avec son co-équipier le célèbre Jean Samazeuilh, il fut, durant 38 ans, président du club de tennis de la villa Primerose.
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Marcel Cachin, précepteur
Personnage très attachant il avait eu comme précepteur un jeune licencié de philosophie originaire de Paimpol, Marcel Cachin qui avait alors 22 ans. À son sujet il écrit ces lignes
« C'était un homme d'une merveilleuse intelligence venant d'un milieu très catholique ; élève du célèbre doctrinaire socialiste Durkheim, il en devint rapidement le disciple et se lança dans le mouvement révolutionnaire naissant à la fureur de sa famille. C'est ainsi que je fis connaissance, chez lui, des grands chefs socialistes de l'époque :
- Jules Guesde, avec sa figure d'apôtre ascétique qui se nourrissait de boîtes de sardines ; - Jean Jaurès, grand bourgeois devenu révolutionnaire, qui entraînait les foules par son admirable éloquence ; - Marcel Sembat, révolutionnaire dilettante, qui se suicida avec sa femme à la veille de la guerre de 1914. C'est grâce à Marcel Cachin que je devins, comme mon frère Henry, un ardent Dreyfusard au grand scandale d'une partie de notre milieu. J'ai entretenu pendant longtemps des relations de grande amitié avec Marcel Cachin qui fut député de Paris mais je me suis séparé de lui en 1920 lorsqu'il tourna au bolchevisme. »
Domaine Pachan et îles de l’estuaire
Pour revenir à l'estuaire, je peux dire que mon père, né en Médoc au château Cantenac Brown, chez son grand père Armand Lalande (député de la Gironde), fut toujours attiré par cette région. Comme courtier en vins il allait dans les îles de la Gironde qui étaient alors couvertes de vignes, crise du phylloxéra oblige ; j'ai connu la fin de cette période quand nous allions ensemble à Patiras dans la famille Fonsale, à l'île du Nord chez les Arsène-Henry et les Lesca.
De plus nous avions une propriété à Ludon, le domaine de Pachan, devenu aujourd'hui le siège de le Fédération des Chasseurs, où nous avions des vignes de palus et un haras où est né un fameux pur sang prénommé Aigle Royal, vainqueur du Derby du Midi en 1900. L'île Verte nous fascinait également et nous entretenions des relations étroites avec ses propriétaires, la famille Fouret, qui dans les années 1930 -1939 venaient nous chercher à Soussans au port de Fumadelle, pour des journées inoubliables dans ce merveilleux domaine que Pierre Benoit a si bien décrit.
Tous mes souvenirs d'enfance sont liés à cet estuaire et c'est pourquoi je le traverse souvent avec le bac Le Fâ avant les Romains
“Le Fâ 5000 ans d’histoire...”, tel est le titre de la brochure parue en 2009, qui fait le point sur la recherche archéologique récente à Barzan, ville portuaire gallo-romaine, mais aussi territoire dont l’occupation pérenne est démontrée. Enclos en “pinces de crabe”, outils et pointes de flèches, nous révèlent que dès le néolithique des hommes vivaient sur la colline de la Garde, à huit cents mètres à l’est du Fâ. Sans discontinuité, cette occupation humaine se retrouve à l’Age du bronze, puis à l’Age du fer où, sur le site même, un enclos fossoyé protohistorique, situé dans la zone du grand sanctuaire, témoigne d’une occupation gauloise.
LE CAMP NÉOLITHIQUE DE LA GARDE
À 800 mètres à l’est du moulin du Fâ, la colline de La Garde domine de ses 45 mètres un vaste horizon terrestre et maritime. En raison de cette situation privilégiée, les hommes se sont installés sur ce plateau depuis une époque très éloignée. Au XIXe siècle, ce site était connu grâce à des ramassages de surface ; Eutrope Jouan, historien local, en témoigne dans une note de 1877.
Les pierres polies trouvées en la commune de Barzan, au lieu-dit La Garde, paraissent antérieures à l’occupation romaine. [...] On y trouve des haches polies, des pointes de flèches [...] la plupart brisées, que le soc de la charrue déterre. Il est fâcheux qu’on ne puisse y faire des fouilles, car il existe, dans une certaine proportion des champs, des scories de fer et des débris qui accusent un établissement important.
Prospection aérienne de Jacques Dassié (photo J. Dassié ©) 1 : théâtre gallo-romain, 2 : réservoir USA 1917, 3 : le camp néolithique
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En 1970, au cours du nivellement du terrain précédemment encombré par un réservoir américain datant de 1917, la découverte de céramiques néolithiques fut signalée au groupe de recherches archéologiques de Saintes, chargé de procéder à une fouille de sauvetage. La couche archéologique comprenait une zone cendreuse avec pierres de foyer entourées de poteries, outils en silex et en os, haches polies et meule ; ces découvertes suggéraient l’emplacement de fonds de cabanes. La céramique mise au jour témoigne d’une production liée au groupe des Matignons qui occupait la région vers 3500 av. J.-C.
Il fallut attendre 1975 et les photographies aériennes de Jacques Dassié pour découvrir que ce site était fortifié. Il présente, comme de nombreux autres camps néolithiques découverts en Saintonge, toute une série de circonvallations avec des fossés et des entrées en chicanes dites « en pinces de crabes », destinées à obliger les assaillants à cheminer sous les coups des défenseurs abrités. Ce camp se situe au-dessus du théâtre actuellement en cours de fouille, et il n’est pas rare d’y trouver du mobilier lithique descendu sur le flanc ouest de la colline.
BARZAN ET LA PROTOHISTOIRE
La protohistoire correspond à l’âge des métaux, bronze puis fer (période de la Tène). Elle établit le lien entre la fin du néolithique et la conquête romaine.
Un dépôt de l’âge du bronze
En 1980, au lieu dit Les Piloquets, sur le versant nord-est de la colline de la Garde, Robert Colle, alors professeur d’histoire au lycée de Royan, identifia une série de haches en bronze, datant d’environ 1800 av. J.-C.
Haches en bronze, Les Piloquets (photo ASSA BArzan ©)
Une occupation gauloise
Les niveaux d’occupation antérieurs à l’époque romaine ont été atteints, puis explorés à plusieurs reprises dans l’environnement du grand temple. De nombreux indices suggèrent que des vestiges protohistoriques se retrouvent également sous le quartier des thermes. On peut distinguer trois périodes correspondant à cette occupation :
- VIe et Ve siècle av. J.-C.
Période surtout marquée par un abondant mobilier céramique. Il s’agit de récipients non tournés façonnés à partir de plaques ou de colombins d’argile. La vaisselle fine, gobelets, coupes, etc. destinée au service ou à la consommation, présente des parois lustrées ou décorées de cannelures ou de motifs géométriques. Les vases de cuissons ou de stockage sont produits dans une pâte plus grossière.
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- Du milieu du Ve à la fin du IIIe siècle av. J.-C.
Sans véritable rupture avec la période précédente apparaissent les premiers témoignages d’activités artisanales et d’échanges: céramiques fines tournées que l’on rencontre de la Dordogne au Poitou et qui laissent à penser qu’il s’agit d’une série de productions artisanales spécialisées, importations méditerranéennes attestées par des tessons de céramique attique. Des tessons dotés de décors estampés de “style armoricain” peuvent également se rattacher à cette période.
Rares à l’époque précédente, les productions métalliques sont alors variées : équipement militaire, accessoires vestimentaires (fibules, fragments de bracelets, anneaux de chevilles...) ; mais le plus remarquable, présenté dans le musée, est un fragment d’anse d’un bassin étrusque du Ve siècle, trouvé lors de la fouille programmée de 2001, sous la responsabilité de Karine Robin, archéologue départementale.
Élément d'anse d'un vase étrusque, Ve s. av. J.-C., fouille Karine Robin, le Fâ, 2001 (photo ASSA BArzan ©)
Pour ces deux premières époques, il est délicat de définir la nature de l’occupation. Toutefois, l’abondance, la variété et la qualité des mobiliers céramique et métallique, la mise au jour de fusaïoles, fragments de meules et éléments de parure, accréditeraient l’hypothèse d’un habitat groupé. De nombreux enclos, à vocation funéraire probable, repérés par prospection aérienne sur les hauteurs au sud du théâtre, peuvent se rattacher à cet habitat.
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Céramique à ocelles, entre le Ve et le IIIe av. J.-C., fouille Karine Robin (dessin de G. Landreau, photo ASSA BArzan ©)
- Second âge du fer : quelle occupation ?
À la fin du IIIe siècle ou dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C, le mode d’occupation du site se modifie profondément par l’apparition d’une vaste enceinte fossoyée doublée d’un talus interne. Des sondages, réalisés entre 1998 et 2004 par Karine Robin, et l’interprétation d’une photo aérienne de Jacques Dassié, ont permis d’établir un plan général de cette enceinte légèrement trapézoïdale (105 m × 135 m dans le sens Est-Ouest).
Le fossé, au profil en auge, mesure 10 mètres à son ouverture pour un fond plat de 4,50 mètres et une profondeur identique. Le talus, conservé par endroit sur 2 mètres de haut et 7,60 mètres de large, ne semble pas réalisé avec les déblais du fossé, mais plutôt par le nivellement des périodes antérieures (sédiment brun foncé). Des aires de circulation, des remblais, des trous de poteaux et des tranchées de fondation, même très partiellement observés, évoquent des constructions en terre et bois. Le mobilier (amphores, céramiques, monnaies) est généralement datable du Ier siècle av. J.-C.
Monnaies d'époque républicaine, contemporaines du fossé gaulois (photo ASSA BArzan ©)
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C’est une structure majeure en lien avec une modification de la nature et peut-être de la fonction du site. S’agit-il d’un premier espace cultuel dont le rôle perdurerait à l’époque romaine ? Mais comparée à d’autres sanctuaires en Gaule celtique, la superficie semble excessive. Peut-être avons-nous à faire ici à un de ces grands établissements ruraux communautaires qualifiés parfois d’aristocratiques.
Fouille du fossé gaulois, Karine Robin ; le talus y est nettement visible (photo ASSA BArzan ©)
Si actuellement, la fouille et la mise en valeur privilégient la ville portuaire gallo-romaine, n’oublions pas que le site de Barzan est certainement majeur pour la protohistoire dans un secteur stratégique sur l’Estuaire. Il doit être mis en relation avec celui de Vilmortagne, au sud, distant de moins de dix kilomètres et partiellement étudié par Guilhem Landreau et Bertrand Maratier.
-Blaye, toujours avec une mémoire nostalgique.
L’enclave saintongeaise (alias gabatche) du Verdon
Ch. de Tourtoulon et O. Bringuier déterminent en 18761 la limite entre oïl (poitevin-saintongeais ici dans ses variétés saintongeaises gabatche et gabayes) et oc (gascon, languedocien, limousin) en Gironde. Voici leurs résultats pour le Médoc : « L’Océan nous offrait à l’ouest une ligne immuable sur laquelle il était plus facile de rechercher le point de départ de notre limite que sur la frontière orientale de la France [...]. Lorsqu’on remonte vers la pointe de Grave, à travers la commune de Soulac-et-le-Verdon, la plus septentrionale de la presqu’île, on est surpris de rencontrer tout d’un coup, à deux kilomètres environ du village gascon des Huttes (80 habitants), un autre petit village appelé Le Royannais, où l’on ne parle guère qu’un patois d’oïl assez semblable au saintongeois2. À partir de cette localité et jusqu’à la pointe de Grave, s’étend le domaine de la langue d’oïl dans le Médoc, domaine qui comprend les villages du Verdon, des Logis et du Royannais, et dont le centre principal est Le Verdon. [...] les habitants de ce village [Le Royannais] appellent ceux des Huttes, et, à plus forte raison, ceux de Soulac, les Médocains, preuve évidente d’une différence de race [sic] et d’origine. Réciproquement, les Médocains donnent le nom de Gabatjs3 à tous ceux qui parlent le patois de la Saintonge. En résumé, le langage des Huttes appartient à la langue d’oc, dialecte gascon, sous-dialecte bas médocain; celui du Royannais à la langue d’oïl, dialecte poitevin, sous-dialecte saintongeois. » Notons que les auteurs usent ici du terme « poitevin » au sens large, comme on le faisait au XIXe siècle, pour désigner l’ensemble linguistique poitevin et saintongeais qu’on désigne maintenant depuis au moins 1905 par le nom de « poitevin-saintongeais », et auquel ils rattachent très clairement les parlers saintongeais dans leur ensemble et en particulier le parler saintongeais dit gabatj (gabatche) du Verdon.
Voici la description qu’ils font du parler de cette enclave4 : « Le Verdon et le Royannais sont surtout peuplés aujourd’hui par des ouvriers occupés aux travaux de la pointe de Grave ; on y parle donc en réalité plusieurs langues et dialectes ; mais le langage des anciens habitants du pays, le véritable idiome local est du saintongeais un peu plus voisin du français que celui de la rive droite. On dit : j’seu venu, quieut houme a trouvé un coutâ ou un coutéa ; des cisâ ou des ciséa ; mais on n’y rencontre pas l’aspiration gutturale qui, dans la Saintonge, remplace le j et le g doux. Quelques vieillards disent encore de l’ève pour de l’eau ; le mot français est plus
1 Ch. de Tourtoulon et O. Bringuier, Étude sur la limite de la langue d’oc et de la langue d’oïl, 1876. 2 Cette ancienne commune de Soulac-et-le-Verdon est actuellement scindée en deux communes : Soulac d’un côté, Le Verdon de l’autre. Or, la séparation entre les deux communes passe non loin de la limite linguistique tracée par De Tourtoulon et Bringuier (à ceci près que la séparation communale rattache Les Huttes au Verdon). 3 On écrirait maintenant gabatches, variante de gabaches, gavaches, gabayes (mieux écrit gabays). 4 Ils précisent : « Nos renseignements sur le Médoc proviennent surtout de M. Rivet, imprimeur-libraire à Lesparre, et de M. l’abbé Michelot, curé du Verdon. Nous y avons joint entre autres ceux que nous devons à M. le maire de la commune de Soulac-et-le-Verdon, à Melle Sandeau, bouchère aux Olives, commune de Soulac, et à Mme Fournier, née Rollet, propriétaire de l’Hôtel de la Marine, au Verdon. »
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généralement usité aujourd’hui. Le dialecte d’oïl de la pointe du Médoc se rapproche chaque jour davantage de la langue officielle. » 5 Voici leur opinion au sujet de l’origine de cette enclave : « La présence de cette langue dans un pays essentiellement méridional s’explique par des immigrations successives d’ouvriers et de petits industriels attirés de la rive droite de la Gironde sur la rive gauche par la situation maritime du Verdon, et par les travaux entrepris depuis longtemps dans ces parages. Le Royannais, comme l’indique son nom, est une colonie de Royan6. Les plus anciennes familles du Verdon, les Pinet, les Bordonneau, les Albert, les Rollet, ont des homonymes sur la rive droite du fleuve [...]. » Charles Grellet-Balguerie nous l’explique, lui, dès 1850 de la manière suivante : « les gabaches du Médoc sont des sauniers, issus de ceux qui, originaires de Marennes, vinrent s’établir au Verdon au XVIIe siècle. 7 », hypothèse déjà émise en 1837 par F. Jouannet : « l’introduction du saintongeais dans le Bas-Médoc [...] remonte à l’époque où des sauniers, originaires de Marennes, transportèrent leur industrie au Verdon. Leurs descendants ont fidèlement conservé la profession, la langue, les usages, et jusqu’au costume de leurs devanciers.8 »
Raymond Doussinet évoque toujours cette enclave en 1958, semblant lui conférer une existence encore réelle à son époque (quoique relictuelle) et présentant une autre hypothèse (bien que proche) quant à son origine : « Territoire du patois saintongeais : [...] En dehors de ces limites, il faut ajouter nos minorités saintongeaises, qu’un jour il nous faudra peut-être revendiquer contre les Gascons. C’est d’abord la colonie de pilotes Saint-Georgeais du Verdon, peu importante et à peu près résorbée il est vrai. 9 »
Il m’a été donné de rencontrer, en 1997, un agriculteur du canton de Saint-Ciers-sur-Gironde (Nord-Blayais = pays gabaye du nord de la Gironde saintongeaise) dont le fils, instituteur, venait de passer une année en poste au Verdon. Il m’a déclaré que son fils, très étonné lui-même de la constatation qu’il faisait, eu égard à l’habituelle grande différence entre parler nord-blayais (saintongeais, d’oïl) et parler médocain (gascon, d’oc), lui avait déclaré : « Au Verdon ils parlent comme chez nous ! »...
Éric Nowak (article tiré pour l’essentiel de son livre, Histoire et Géographie des parlers poitevins et saintongeais, paru en 2010 chez Pyrémonde.)
5 On remarquera que ce parler saintongeais du Verdon, en cette fin de XIXe siècle, conservait encore vivante l’antique diphtongue poitevine et saintongeaise éa (à l’origine des formes modernes poitevines et saintongeaises en â, iâ...), caractéristique de l’ensemble poitevin-saintongeais qu’elle oppose tant à la langue d’oc qu’aux autres parlers d’oïl. 6 Notons que ce toponyme, Le Royannais, est déjà présent au XVIIIe siècle sur la carte de Cassini.
7 Charles Grellet-Balguerie, alias : Charles Bal, “Les deux races dans le Bourges et le Cubzaguez”, dans Statistique religieuse de l’arrondissement de Blaye, paru dans L’Espérance du 14 juillet 1850, article aimablement communiqué par Claude Bitaubé. 8 F. Jouannet, Statistiques du département de la Gironde, 1837.
9 Raymond Doussinet, Le parler savoureux de Saintonge, 1958, pp. 20- 21.
Décembre 1999, ouragan sur Port Charron
29 décembre 1999, au lieu dit Charron, sur la rive Saintongeaise de l’estuaire. Autrement dit, le bout du monde. Et c’est précisément le “bout du monde” qu’a choisi un trio de pyrénéens pour célébrer les fêtes de fin d’année. Propriétaire d’une cabane en bois à Charron (1), sur la commune de Saint-Thomas-de-Cônac, Claudio, son épouse Jany et Jacques, un oncle, avaient décidé de venir fêter Noël et le passage à l’an 2000 dans le cadre idyllique et reposant de ce lieu isolé. Surtout en cette fin d’année. Ce 29 décembre, Serge – un pêcheur du cru – se trouvait là, accompagné de son épouse et d’un ami : Michel.
La tempête s’annonce
Malgré l’isolement du site et la vétusté des cabanes, les victuailles pour le réveillon de “l’an 2000” sont nombreuses, et particulièrement alléchantes. En fin de matinée, le calme et la reposante solitude des lieux, firent place à un vent particulièrement agressif. La tempête se levait. Plus le temps s’écoulait et plus la tourmente prenait des allures préoccupantes.
Secoués par un vent violent comme ils n’avaient jamais vu auparavant, apeurés puis terrifiés, angoissés face à une montée anormale des eaux de l’estuaire, Jany et Jacques prennent peur. Terriblement peur. Malgré le vif désir de fêter l’an 2000 ensemble, malgré les affres d’une telle séparation, Jany et Jacques repartent se mettre à l’abri dans leur Béarn.
Claudio se retrouve seul. Pour rompre sa solitude, il va rejoindre le couple de pêcheurs et l’ami. Vers 19 heures, le quatuor décide de se mettre à table. Au dehors, la tempête se transforme en ouragan, dans un bruit véritablement effrayant. Effrayant et réellement préoccupant. L’inquiétude de tous grandit. On s’interroge...
Les apéritifs, le vin vieux de derrière les fagots et le menu : soupe de poisson, foie gras, pibales, fromage... viennent partiellement dérider l’ambiance. On trinque ! Dehors, le vent atteint des vitesses que les locaux n’ont jamais vues.
L’arrivée de l’eau
À 19h30, alors que la nuit est particulièrement dense, l’eau fait irruption dans la cabane. L’heure de la pleine mer est encore loin, c’est sûr qu’il va y avoir des dégâts. Adieu pibales et foie gras ! Le mobilier léger et les objets fragiles sont juchés en hauteur, là où c’est possible. Les deux chiens et les deux chats sont placés sur une table d’où ils veulent bien évidemment descendre. Étant entendu qu’un chat apprécie l’eau boueuse et salée autant qu’un lapin aime la myxomatose, l’ambiance n’est pas au beau fixe pour personne.
Mais il n’y a pas que les animaux à surveiller. En se baissant, à cause d’exceptionnelles rafales de vent, les trois hommes mouillés sortent, afin de choquer et doubler les amarres de l’embarcation du pêcheur. Trop tard ! Le bateau, l’outil de travail, a sombré. Il faut vite revenir à l’abri. Si l’on peut dire !
Même baissé, le trio vacille sur la route qui sert de digue. Le vent semble vouloir tout emporter. C’est à quatre pattes que s’effectue désormais la progres- sion, afin de bénéficier de plusieurs points d’appui. Dans la cabane inondée, les chiens et les chats affolés sont récupérés. Hommes et bêtes se réfugient alors dans un ancien wagon de chemin
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de fer, qui était utilisé comme remise. Le wagon est situé sur un point haut et son poids devrait l’empêcher de dériver. Durant ce transfert nocturne, les hommes remarquent deux véhicules qui dérivent parmi une multitude d’OFNI (objets flottants non identifiés). Ce sont leurs voitures qui, bien que “noyées”, sont poussées par l’eau de la Gironde qui déferle dans un bruit devenu assourdissant. La mer s’est formée sur ce qui était un havre de paix, et le petit village de pêcheurs est maintenant frappé par les vagues. Des cabanes aux toits arrachés s’affaissent. C’est désormais dans 1,20 m d’eau froide que les trois sinistrés transis et glacés poussent leurs véhicules afin de les faire échouer derrière une cabane, sur une partie haute. C’est sur une dépanneuse qu’ils repartiront quelques jours plus tard.
Un quartier dévasté.
L’eau, qui grimpe toujours, inonde le village dévasté. Poussé par un vent violent et des vagues devenues énormes, un chalutier venant d’on ne sait où, est projeté par-dessus la digue de terre. Dans sa dérive, il percute des cabanes encore debout et il les couche, avant de terminer sa course dans la haie d’une prairie inondée. Les charlatans qui avaient prévu la fin du monde au passage de l’an 2000 auraient-ils vu juste ?
Dans l’obscurité du wagon, ce n’est pas l’ambiance des grands jours. Les gens grelottent, tandis que les animaux transis et terrorisés, manifestent leur désarroi. Puis l’eau fait son apparition sous la porte. Horreur ! Ce n’est pas possible ! Les sinistrés se demandent s’ils ne sont pas filmés pour un film d’Hitchcock. Le liquide boueux se répand sur le sol et commence à grimper. Un lit de 1,40 m est surélevé et c’est sur cet espace restreint mais resté sec que le quatuor surveille la montée de l’eau. Si elle persiste à progresser de la sorte, il est convenu de se réfugier sur le toit du wagon, en attendant le descendant qui ne devrait plus tarder.
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À chat perché
Puis, le jusant tant attendu se fait sentir. Merveilleux petit jusant ! À cinq heures, dans la nuit noire, les quatre “robinsons” hagards se risquent à affronter pendant un instant le vent pour jeter un coup d’œil et constater l’étendue des dégâts. Les chiens gémissent, tandis qu’un chat se réfugie sur un arbre resté debout. Il sera récupéré dans l’après-midi, au prix d’une inénarrable patience et après plusieurs heures d’efforts.
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Dès potron-minet, le quatuor désemparé, abruti par la fatigue, le sommeil, le vent, l’angoisse et les évènements, observe un spectacle de désolation . Tous se demandent où sont les priorités. Par quoi faut-il commencer ? Ils sont seuls, sans moyens de communication, sans eau potable. Ils resteront ainsi durant 48 heures. Sur les 22 cabanes qui composaient l’ancien village de pêcheurs de “créacs”, la moitié sont détruites et toutes les autres abîmées. Toutes les embarcations qui n’ont pas coulé, ont quitté le chenal ; certaines ont disparu, d’autres sont échouées au gré des dérives. Tous les carrelets ont été arrachés et emportés. La route est ravinée, jonchée de troncs d’arbres, d’épaves, de roseaux et d’une multitude de débris. Des tonnes de chasse venues du Médoc, encombrent ce qui fut une chaussée. Les deux véhicules sont hors d’usage, bien entendu. Il n’est plus possible de fuir.
Un spectacle de désolation
Dans les Pyrénées, Jany est folle d’inquiétude en apprenant qu’il y a eu des morts en Saintonge. Son époux étant gradé chez les pompiers bénévoles, elle appelle vainement diverses casernes ainsi que des mili- taires. Sur le secteur, les communi- cations sont coupées et l’intrépide époux, qui a pris des allures de clochard, n’est pas prioritaire. On ne sait pas ce qu’il est devenu. Jany continue d’appeler avec une anxiété croissante. Elle tente de passer par
Pau, Montendre, Saint-Ciers-du-Taillon, Mirambeau, Cazaux... Les lignes téléphoniques sont au sol, les voies d’accès à l’estuaire sont encombrées par des dizaines de tonnes de débris hétéroclites ; on n’a pas de nouvelles des sinistrés de Charron. Un hélicoptère passe, à deux reprises, sans apercevoir les signaux pourtant conventionnels que lui adresse Claudio.
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À Charron, avec l’arrivée du jour, les rescapés retrouvent peu à peu le moral. Disons que l’angoisse devient moins oppressante. Les dégâts sont énormes (cabanes, bateau, véhicules) mais les gens ne craignent plus pour leur vie. Ils s’organisent comme ils peuvent, avec les moyens du bord. La cabane de Claudio est détruite ; il rassemble des objets présumés être récupérables : lit, évier, quelques meubles. Le wagon servira de QG. Un réfrigérateur non ouvert est rempli est découvert. Quelle aubaine ! on s’alimentera avec son contenu. Foie gras, bûche, champagne, firent partie de l’ordinaire pendant prés de deux jours.
Dans ce spectacle de désolation, où l’entraide devrait régner, il ne faut pas passer sous silence la présence de charognards. Alors que des charognards à deux ailes se rendent utiles, en participant au nettoyage de l’environnement, d’autres charognards, au volant de véhicules 4×4 et de fourgons, ont précédé les secours et emporté tout ce qui pouvait l’être. Honte à eux ! Claudio, dont le réfrigérateur a disparu avec notamment un bocal contenant un kilo de foie gras, aimerait bien que ceux qui ont dégusté le contenu lui rapportent le bocal. Il était consigné.
Témoignage recueilli par Claude Businelli auprès de Claudio Laborde
(1) Annexe : Port Charron et... Port Charron


« Depuis des décennies est entretenue la confusion sur la dénomination du site souvent dit Port-Charron (point P sur le plan). Le “vrai” Port-Charron est situé à la naissance d’un chenal sur la commune de Saint-Sorlin. “Notre” Port-Charron est l’aménagement réalisé autour de la grande écluse depuis les années cinquante, sur la commune de Saint- Thomas. Le petit port qui existe aujourd’hui avec ses baraquements en bois, sur la zone dénommée officiellement “Grange d’Allouet”, n’est donc
pas Port-Charron (situé un peu plus au sud). En fait, jusqu’à ce jour ce petit port sur la commune de Saint-Thomas n’a toujours pas de nom, c’est pourquoi il n’est pas nommé sur les cartes actuelles (laissé comme site inexistant). Les pêcheurs professionnels sur l’estuaire l’ont parfois appelé “Port Neuf” ; mais d’autres le nomment “Les Nouvelles Écluses”. Il faut bien le nommer... »
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Extrait de Saint-Thomas-de-Cônac, une histoire en bord d’estuaire, Dominique Rousseau, autoédition
Le raz de marée du 9 janvier 1924 à Royan
Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie en Saintonge maritime, n° 13, 1992.
Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1924, une tempête exceptionnelle bouleverse les côtes de la France. De Saint-Malo à la pointe du Finistère et jusqu’à Biarritz, la mer a, sur un grand nombre de points, causé des ravages considérables : bateaux à l’ancre coulés ou fracassés, quais défoncés, maisons inondées.
Le littoral breton fut particulièrement touché, notamment à Saint-Guénolé et à Kérity(1), où la flottille de pêche a été presque perdue. Dans le Morbihan, on n’avait point vu pareil désastre depuis 1877 (2).
Considérée à l’époque comme un véritable raz de marée, cette tempête n’épargne pas la côte charentaise. De La Rochelle à Royan, une mer déchaînée ravage tout le littoral. À Royan la tempête dure de deux heures à six heures du matin, mais c’est vers quatre heures qu’elle se fait sentir avec le plus de forces. Dans son édition du dimanche 13 janvier, Le Journal de Royan en fait un compte rendu précis :
« À ce moment (quatre heures du matin) [...] le niveau de la mer s’éleva brusquement de cinq mètres environ : tous les bateaux dans le port rompirent leurs amarres et vinrent se jeter sur les quais, où ils brisèrent une dizaine de bornes en pierre ou en fer ; l’un d’eux défonça le hangar en planches servant de magasin au pilotage. Tous eurent des avaries plus ou moins sérieuses ; par suite d’une voie d’eau, trois d’entre eux coulèrent :
Le Saint-François, de Pauillac, patron Moreau ; le Myosotis, de Royan, patron Chapeau ; et la gabarre à vapeur Saintonge, qui assure le service du transport des marchandises entre Bordeaux et Royan. »
Au premier appel des sirènes et de la cloche d’alarme du port, les équipages accourent (3) ; après des efforts surhumains, la plupart des bateaux ramenés par le flot sont de nouveau solidement amarrés ; mais cinq de ceux-ci partent à la dérive, ainsi que tous les canots, et vont s’échouer sur la grande plage. Il s’agit de : La Magicienne, patron Rivet, échoué devant les “Autans”(4) ; Le Coquelicot, désarmé ; le Rosé de France, patron Brocas, tous deux des pêcheries maritimes ; Le René, patron Charles et le Dupérier de Larsan, bateau pilote, devant la passerelle du casino municipal.
La tempête passée, on ne peut que constater les dégâts... qui sont considérables. Aux chantiers maritimes (5), d’énormes pièces de bois ont été enlevées par les vagues. Un bateau en réparation, le Ri.ta.po (6), a été réduit en morceaux, et seul le moteur est récupérable. À Foncillon, le remblai de pierres a été partiellement enlevé et une partie de l’établissement de bains détruite. Des chaînes du quai neuf ont été arrachées et le mur longeant les tamaris est démoli. À proximité de la grande plage, la mer a envahi les boulevards Botton et Lessore ; outre les rues riveraines, les rues de La Tremblade et de la République, sont également, en partie, touchées.
Vers six heures, les vagues en heurtant le parapet du boulevard Botton, recouvraient en retombant, la station du tramway ; de nombreux appartements, magasins et rez-de-chaussée, sont envahis par l’eau. Sur la façade du casino municipal, la balustrade a été enlevée et les jardins sont jonchés de débris. Les pavillons du casino et du syndicat d’initiative sont disloqués.
« Boulevard Frédéric Garnier, les deux assises du mur ont été presque partout renversées, depuis le Family Hôtel,jusqu’à l’octroi de Vallières, et les blocs de pierres lancés par endroits

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jusque sur la chaussée. Le mur s’est effondré entièrement devant la villa Uranie sur une trentaine de mètres, et une énorme crevasse s’est produite dans les promenades, jusqu’à la route. Partout, les chaussées ont été ravinées. » (7)
La violence de ce raz de marée fut jugée, à l’époque, sans précédent dans les annales royannaises. Quand la mer se fut retirée, des épaves de toutes sortes jonchaient la plage, les routes et les promenades alentour.
Conséquence, la circulation fut interrompue pendant deux jours... « Les voies ayant été par endroits obstruées par le sable et les pierres, le service de la traversée de Royan à la pointe de Grave est supprimé, ainsi que les transports par gabarres de Bordeaux à Royan. Heureusement, aucun accident de personnes à enregistrer. Deux bateaux pour le sort desquels on avait craint, L’Angélus, patron Beaudeau, et Le Vent, se sont réfugiés l’un à La Rochelle, l’autre à Bonne- Anse. » (8)
La tempête passée, de nombreuses équipes d’ouvriers ainsi que des soldats du CRIP* de la caserne Champlain, s’emploient rapidement à la remise en état des boulevards et chaussées touchés par les éléments. Les caves inondées sont rapidement vidées. En quelques jours, l’aspect de la ville redevient normal. Dans la semaine qui suit, le service de la traversée Royan - pointe de Grave reprend.
En ce qui concerne le boulevard Garnier, où les dégâts ont été les plus importants, on espère que les travaux de réfection du parapet et du mur seront rapidement exécutés. Malgré de nombreuses difficultés, dues au mauvais état de la mer, les opérations de renflouage des bateaux échoués commencent. Le mardi 22 janvier, le Rosé de France est remis à flot et entre au port sans problème.
Le dimanche 20 janvier, Le Journal de Royan signale que l’émotion causée par cet événement « a été très vive parmi les hôtes d’été ». Dans de nombreuses lettres, ceux-ci demandent l’envoi du journal pour être mis au courant des dégâts, et de ce fait la direction du journal procède à un tirage supplémentaire de cinq cents exemplaires ; l’édition relatant le raz de marée ayant été rapidement épuisée. Dans cette même édition, le journal note que « de tous les points du département et de plus loin même, des visiteurs sont venus en grand nombre, en particulier dimanche, pour juger de l’importance du sinistre ».
RÉPARATIONS ET INDEMNISATIONS... INÉVITABLES CARENCES

Retenu à Paris pour raisons de santé, le Maire de Royan, Paul Métadier, (9) adresse, par le biais du journal local, une lettre à la population, dans laquelle, tout en regrettant de ne pouvoir entreprendre le voyage de Royan, il assure les sinistrés que sa prochaine sortie sera « pour joindre ses efforts à ceux des parlementaires du département afin de faire accorder à la ville de Royan et à ceux de ses habitants qui ont été éprouvés, les secours du gouvernement ».
De son côté, la mairie communique une note à l’intention des sinistrés « ceux qui désirent obtenir un secours de l’État sont priés de faire estimer approximativement les dégâts subis ; puis d’envoyer leurs dossiers au commissariat de police qui les fera parvenir à la sous-préfecture » et de préciser que « ces dossiers n’auront rien d’officiel et de définitif ».
Suite à ces événements, Royan reçoit la visite de M. Jules Bertrand, député de la Charente- Inférieure, venu se rendre compte des dégâts causés par le raz de marée. Au cours d’une entrevue avec la municipalité, celui-ci donne l’assurance que « toute diligence sera faite pour que les sinistrés soient indemnisés aussi rapidement que possible » et d’ajouter que « dans ce sens il a déjà fait avec ses collègues du département, des démarches auprès du gouvernement ».
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Malgré toutes ces assurances, un mois après la catastrophe, tous les problèmes étaient loin d’être résolus. Si tous les travaux qui dépendaient directement de la ville étaient achevés ou sur le point de l’être, notamment à Foncillon et à Pontaillac, il n’en était pas de même pour les travaux à la charge d’une autre administration. C’est le cas du boulevard Garnier, toujours pas remblayé, et dont la réparation incombe uniquement au département.
Voyant les choses traîner en longueur, certains commencent à s’impatienter et accusent de négligence, voire d’incompétence, des personnes qui, empêtrées chaque jour dans des formalités de toutes sortes et sans fin, ne sont le plus souvent pour rien dans les carences reprochées. Autre déconvenue : les indemnisations. Si le parlement a bien voté un crédit de 15 millions, celui- ci n’est pas destiné à la réparation des dommages causés par le raz de marée ; une circulaire ministérielle accorde ces crédits uniquement aux victimes des calamités publiques de l’hiver 1923-1924. (10)
Malgré ces avatars et avec l’approche de la saison estivale, chacun de souhaiter que les travaux en souffrance soient enfin entrepris et terminés rapidement « afin que la ville retrouve son aspect habituel et son air de fête pour accueillir ses visiteurs ». Cependant, en ce mois de mai 1924, veille de cette saison estivale tant attendue, la France entrait en période électorale et la campagne battait son plein. (11)
L’actualité politique éclipsa dans la presse locale (enflammée) la catastrophe subie au cours de l’hiver. Ces événements d’un autre genre, liés au déchaînement des passions, allaient momentanément (?) détourner les Royannais des désagréments dus à un phénomène atmosphérique aux conséquences désastreuses.
LES CAUSES DE LA TEMPÊTE

Cette tempête était-elle prévisible ? Dans son numéro du 19 janvier 1924, la revue L’Illustration, cartes et graphiques à l’appui, apporte quelques précisions à ce sujet. À l’origine, une perturbation partie des côtes américaines, le 6 janvier, était aussitôt connue de l’Office national météorologique. Les tempêtes parties de l’ouest atlantique s’éteignant parfois en route, l’Office ne pouvait dès ce moment en tenir compte dans ses prévisions.
Cependant, le mardi 8 janvier au matin, l’Office recevait du transatlantique Paris le message conventionnel disant que le « paquebot avait traversé la veille à 23 heures la région du minimum barométrique qui était de 713 millimètres. Le message était parti le 8, à une heure du matin. Le bateau se trouvant à 49°5 de latitude nord et 23° de longitude ouest ».
Relativement très bas, ce chiffre de 713 mm fixa les météorologues sur l’importance du phénomène, et à 10 heures du matin l’Office signalait une tempête prochaine sur toutes les côtes de France, celles de la Méditerranée exceptées. Dans la nuit du 8 au 9, la tempête commençait à ravager le littoral atlantique.
RAZ DE MARÉE OU CYCLONE ?

D’après l’article de L’Illustration, il fut difficile, à l’époque, de se prononcer à cet égard. Dès la première heure, on crut pouvoir expliquer le phénomène par une secousse sismique. Cette hypothèse, quoique plausible, ne put être infirmée ni confirmée par l’examen du sismographe enregistré à Strasbourg, ni par celui de l’observatoire du parc Saint-Maur.
Le diagramme, enregistré à l’Institut de physique du globe à Strasbourg, dans la nuit du 8 au 9 janvier, et publié en marge de l’article de L’Illustration, indique une intense activité microsismique sans doute due aux phénomènes météorologiques en cours cette nuit là.
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Dans une lettre adressée à cette même revue, le directeur de cet institut donne quelques précisions sur ce diagramme : « ces petites secousses sismiques qui peuvent avoir eu lieu, sont noyées dans cette agitation permanente extraordinairement intense. C’est un phénomène très rare qui se trouve en relation avec la dépression atmosphérique et la violence des vagues dans le golfe de Gascogne et sur les côtes de l’Atlantique ».
Opinion également partagée par le directeur de l’Institut de physique du globe à l’Université de Paris, qui estime que «s’il y a eu secousse sismique, elle fut très faible et n’est pas reconnaissable » et d’ajouter que « jamais une perturbation microsismique aussi forte n’a été enregistrée à Saint-Maur ». (12)
ÉCHOS DU RAZ DE MARÉE DANS LA PRESSE LOCALE ET RÉGIONALE

LE PROGRÈS DE LA CHARENTE-INFÉRIEURE du 12 janvier 1924. Dans la nuit de mardi à mercredi, par suite de la violente tempête qui soufflait sur nos côtes, un raz de marée formidable a ravagé le littoral de l’océan [...] les vagues ont atteint parfois la hauteur d’un deuxième étage, ont inondé des villas, emporté des murs et jeté de nombreuses barques à la côte ; on a malheureusement des pertes de vies humaines à déplorer sur mer. Dans notre région, la terre a tremblé à La Rochelle. Aux Sables d’Olonne, on signale des victimes. À Royan, le raz de marée a pris les proportions d’une véritable catastrophe. De mémoire d’homme, on n’a jamais vu sur notre côte pareil cataclysme [...] c’est un désastre sans précédent.
LE JOURNAL DE MARENNES, dimanche 13 janvier 1924. L’OCÉAN DÉMONTÉ Un véritable raz de marée a ravagé toute la côte de Biarritz aux Sables d’Olonne, partout les dégâts sont importants ; à La Rochelle, la mer a submergé le quai Duperré, abîmant les pontons du bateau des îles de Ré et d’Oléron, la digue de Chatellaillon est rompue en trois endroits. À Royan [...] la mer a envahi les splendides boulevards de la Grande Conche. [...] Les côtes landaise et basque ont eu à souffrir de la tourmente ; des voies ferrées sont coupées, des maisons enlevées. Plus près de nous, au Chapus, de nombreuses barques ont été désemparées, les quais submergés et la tempête continue furieuse, l’océan est blanc d’écume.
LA CHARENTE-INFÉRIEURE, n° 4 vendredi 11 janvier 1924. UN RAZ DE MARÉE À La Rochelle Dans la nuit de mardi à mercredi, vers quatre heures du matin, au milieu d’une furieuse tempête, un raz de marée a sévi sur les côtes de l’Atlantique.
[...] Le sinistre a sévi depuis Brest jusqu’à Biarritz. Les côtes de l’océan sont partout bouleversées. À La Rochelle, la mer a déferlé jusque sur le quai Duperré [...] quelques bateaux de pêche ont sombré. On n’a heureusement aucun accident de personne à signaler.
Au chantier de construction l’eau a descellé des pavés que les vagues ont roulés jusqu’aux baraquements. La plage a été éprouvée. Les trottoirs en béton qui longeaient les cabines, ont été arrachés par lambeaux et traînés jusqu’au pied du mur qui est en bordure. À Port-Neuf, petit hameau composé de huttes où vivent de pauvres pêcheurs de coquillages, le spectacle est lamentable. Toutes les chaumières ont été envahies par les vagues, roulant des quantités de galets. Les habitants durent fuir demi-vêtus, devant le sinistre, dans la nuit où tout se faisait terrible, la clameur de la tempête comme le hurlement des flots.
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L’établissement de bains du casino est défoncé. La promenade du Mail est encombrée de varech et de galets amenés par les vagues, de même que les quinconces. Sur la côte À Marsilly et à Esnandes, la mer a fait rage. Les grottes des Boucholeurs à Côte-Vague et à la Douelle, de même que celle du port d’Esnandes ont été bouleversées. Les pieux et les fascines ont été charriés par les vagues et les "acons" des pêcheurs emportés pêle-mêle sur les vases de l’anse.
À Chatellaillon
Au moment de la marée, la mer démontée a enfoncé en plusieurs points la digue [...] l’eau a envahi les caves d’un grand nombre de maisons ; les pompiers sont employés à les vider. Au brise-lames, la mer démontée a enlevé une grande partie de la dune et a causé des dégâts matériels importants. Tous les bateaux sont brisés. La route au nord de Chatellaillon est sous l’eau. [...] Le village des Boucholeurs a énormément souffert. Les habitations construites sur la rive ont été inondées.
À Fouras
Le raz de marée a causé des dégâts considérables. Les établissements de bains sont complètement détruits sur la côte nord. Les cabines sont en miettes ; sur la côte sud, les bâtiments sont à moitié effondrés [...] la falaise présente des glissements de rochers. À la Coue, canots et petites barques ont été jetés à la côte. La route de la Fumée est coupée par endroits. Des terrains sont submergés ; le remblai du chemin de fer arraché. Le mur de soutènement du boulevard s’est effondré sur une longueur de cent mètres. En un mot il s’agit d’un désastre sans précédent.
À Royan
[...] On ne signale aucun accident de personne, mais les dégâts matériels sont très importants. Le baromètre est descendu à 736...
L’OUEST-ECLAIR, quotidien breton UN TERRIBLE RAZ DE MARÉE RAVAGE LA CÔTE DE FRANCE
Jeudi 10 janvier 1924 Autant que l’on puisse en juger [...] ce raz de marée se serait fait sentir depuis la pointe Saint- Mathieu et Ouessant jusqu’à l’Espagne. Les dégâts matériels sont considérables et malheureusement des sinistres maritimes sont déjà signalés. Aux Sables d’Olonne notamment un dundee s’est perdu corps et biens. L’équipage composé de six hommes a été noyé. À La Turballe, un jeune homme a été enlevé par les lames. Penmarc’h Saint-Guénolé La flottille a subi de gros dégâts : on compte trente sardiniers et vingt petits bateaux annexes hors d’usage.
Vendredi 11 janvier. On signale sur la côte sud-ouest d’Angleterre, la perte de la goélette Adolphe de Saint-Nazaire, dont le capitaine a disparu. Près de Saint-Sébastien un vapeur a été coulé. Un vapeur italien aurait également sombré dans le golfe de Gascogne et des radios interceptées [...] apportent les signaux de détresse S.O.S. de nombreux autres navires.
Lundi 14 janvier [...] On en est donc encore réduit aux conjectures quant à la cause exacte du bouleversement océanique du 9 janvier, bien que l’opinion d’une attraction des flots par une action répétée des tempêtes persistantes depuis plusieurs semaines semble trouver créance... Bordeaux Le 9 janvier Au moment de la marée tout le territoire compris entre Gujan-Mestras et La Hume a été envahi par l’eau du bassin d’Arcachon [...] le niveau de l’eau a atteint une hauteur supérieure à 1,50 m à celle prévue.
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La tempête s’est fait sentir à Bordeaux [...] de grands panneaux réclames, de hautes cheminées ont été renversées. Un arbre [...] a été déraciné et, en tombant a cassé les fils électriques des tramways et les fils téléphoniques. »
LA PETITE GIRONDE. 10 janvier 1924. Soulac : La mer a causé des dégâts aux moyens de défense du front de mer [...] la marée du soir est vigoureuse et quelques chalets seraient en fâcheuse posture. Le Verdon : L’eau a passé par dessus les digues inondant les jardins et nombre de constructions sur le bord du chenal. Une cabane a été démolie et une quarantaine de pins en bordure de la plage arrachés par l’ouragan [...] on a dû faire évacuer quelques habitants. La pauvreté de quelques (rares) témoignages recueillis sur ces événements, ne nous ont pas permis d’exploiter ceux-ci. Les personnes interrogées n’ayant pas conservé de souvenirs suffisamment précis ; aussi avons nous consulté pour la rédaction de cet article, les différents journaux, locaux et régionaux, de cette époque. Après recoupements, il apparaît que ces derniers ont décrit fidèlement l’ampleur et la fureur de cette tempête exceptionnelle qui sévit également sur toute la côte atlantique du Maroc.
Roger Chotard
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Notes
  • Finistère
  • Pendant l’hiver 1876-1877, une violente tempête causa des dégâts importants sur nos
    côtes, notamment sur la rive droite de la Gironde ou de nombreux ouvrages furent détruits. La digue de Bréjat, à proximité de Bonne-Anse, résista mais dut être surveillée de près pendant un mois, la moindre avarie entraînant la destruction de l’ouvrage.
  • On a fait remarquer que cette cloche étant mal placée, ses appels ne pouvaient être entendus de loin. Autre carence reprochée, le manque d’éclairage du port ; ce qui gêna considérablement les sauveteurs.
  • Les Autans, hôtel-restaurant riverain du boulevard Garnier.
  • Chantiers maritimes Gauraud, situés à l’extrémité ouest de la conche de Foncillon.
  • Bateau de promenade (propriétaire M. Tudo). Il semble qu’un autre Ri.Ta.Po. fut construit
    par la suite.
  • Le Journal de Royan, dimanche 13 janvier.
  • En réalité Le Vent avait gagné le large pour éviter d’être jeté à la côte.
  • Paul Métadier inventeur de la “Kalmine” [médicament] et... de la “Charente-Maritime”.
  • Une quête effectuée par les paroissiens de l’église Saint-Maurice à Épinal, rapporta 900
    francs en faveur des sinistrés du raz de marée de la Charente-Inférieure. Ajoutée à d’autres dons et après répartition, la somme de 350 francs fut attribuée à Notre-dame de Royan. Nous ignorons comment cette somme fut partagée envers les sinistrés royannais.
  • Élections législatives du 11 mai 1924, victoire du Cartel des gauches.
  • Contrairement aux secousses sismiques, qui sont dues à des phénomènes se produisant à l’intérieur du globe, l’agitation microséismique (anciennes secousses microsismiques), est en relation très nette avec la houle des océans et les grandes perturbations atmosphériques (cyclones, typhons). Son observation sert à l’étude et à la prévision des
    Du nouveau sur le verrou de l’estuaire ?
  • Nombreux sont ceux qui pensent que le verrou de l’estuaire, construit par Vauban dans les années 1690, ne présente plus aucun caractère de nouveauté.
  • Certes, ces “vieilles pierres” sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, mais bon, tout cela est connu depuis fort longtemps et d’aucuns jouent même les blasés...
    Et pourtant ils se trompent !
  • De récents travaux ont permis de découvrir, ou plutôt redécouvrir, un patrimoine oublié.
    Lequel ? Celui des installations érigées au tournant des
    XIXe et XXe siècles pour interdire une nou- velle fois la Gironde.
    Attention : ce ne sont pas des ruines... Il s’agit de constructions bien visibles, et si vous avez visité la citadelle de Blaye, ou bien encore le fort Médoc, il est fort probable que vous les ayez aperçues sans vraiment savoir ce dont il s’agissait...
  • Avant d’identifier ces installations et de connaître leur histoire, il est indispensable de revenir quelque peu sur les principaux événements qui ont jalonné la vie du verrou de l’estuaire.
  • Histoire succincte du verrou de l’estuaire
  • Cette histoire est relativement courte puisqu’elle débute à la fin du XVIIe siècle, lorsque Vauban parvint à croiser les trajectoires de ses munitions d’artillerie au-dessus de la Gironde.
    En effet, le verrou de l’estuaire, c’est avant tout un “système d’armes” composé de canons, de munitions adaptées à leur cible, et enfin d’hommes capables de les mettre en œuvre. Il s’agit donc de la capacité d’endommager, et éventuellement de couler, tout navire qui aurait tenté de forcer le passage.
  • L’artillerie ayant disparu des bords de l’estuaire, le verrou se résume désormais aux seules fortifi- cations qui abritaient ce “système d’armes”. Aussi imposantes soient-elles sur le plan architectural, elles ne sont en fait que des coquilles vides, et nous devons avoir conscience de commettre un abus de langage lorsque nous parlons, aujourd’hui, du verrou de l’estuaire. En réalité, nous de- vrions dire les vestiges du verrou de l’estuaire.
  • L’histoire de cet outil militaire reste à écrire, toutefois quelques dates permettent de suivre son évolution.
  • -  Fin du XVIIe siècle, le verrou est activé.
  • -  Un siècle plus tard, en 1791, l’Assemblée Nationale établit le classement des places de guerre
    en trois catégories, en fonction de leur importance : Blaye figure parmi les 48 places de première catégorie, fort Médoc compte parmi les 8 postes militaires de première catégorie. On ne parle plus de Fort Pâté.
  • -  Dimanche 3 avril 1814, pendant que Napoléon Ier affronte les armées de la coalition (Russie, Prusse, Autriche et Royaume-Uni) sur le sol de France, une flotte anglaise remonte la Gironde pour rejoindre Bordeaux. Elle ne franchit pas la barrière du verrou. Une frégate anglaise bombarde la citadelle mais aussi et surtout la ville. Le siège prend fin au bout de quelques jours avec l’abdication de l’empereur. Ces événements constituent le seul engagement opérationnel connu du verrou.
  • -  1851, nouveau classement : la citadelle de Blaye est rétrogradée en troisième catégorie. On ne parle plus de Fort Médoc.
  • -  1887, la citadelle de Blaye est déclassée, elle devient une simple caserne.
  • -  1900, d’importants travaux sont réalisés dans la citadelle mais aussi au fort Pâté et au fort
    Médoc, pour installer des armes lourdes modernes, avec leurs munitions et leur personnel.
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  • L’évolution apparaît donc nettement : après les guerres du premier empire, la situation politique fait que le verrou ne se justifie plus, et il en est ainsi tout au long du XIXe siècle. Ainsi donc, cet outil militaire devenu inutile va être désarmé progressivement, pour disparaître totalement en 1887.
  • Sa brusque réactivation quelques années plus tard, au tournant du XIXe et du XXe siècle, c’est-à-dire pratiquement 200 ans après sa création, ne manque pas de soulever une question : pourquoi ?
  • Le contexte géopolitique de la renaissance
  • Pour comprendre les raisons qui ont poussé les autorités à ranimer un dispositif considéré comme inu- tile, il est indispensable de revenir quelques 30 années en arrière, à un moment où l’État s’effondre littéralement, après avoir imprudemment déclaré une guerre qu’il a ensuite conduit avec beaucoup d’amateurisme.
  • Cette guerre de la France du Second Empire contre la Prusse, mal commencée, ne pouvait que mal se terminer, et c’est une défaite cuisante, désastreuse et tragique que subit le pays.
    Elle est cuisante sur le plan moral, car les dirigeants avaient laissé croire qu’il n’allait être fait qu’une bouchée des Prussiens.
  • Le traité de Francfort (10 mai 1871), vu par l’imagerie populaire
  • Elle est désastreuse sur le plan économique car il faut payer le prix fort (5 milliards de francs or) pour que l’armée du vainqueur (qui a été proclamé empereur d’Allemagne dans la galerie des glaces à Versailles...) quitte le territoire national. Et à cela, il faut ajouter la perte de deux provinces comprenant près de 1,6 million d’habitants.
  • Elle est tragique enfin, car aux quelques 130 000 victimes directes des combats viennent s’ajouter celles de la guerre civile (de l’ordre de 20 000 morts), sans parler de centaines de milliers de blessés...
  • Avec tout cela, la France vit, sur un plan purement militaire, une situation qu’elle n’avait pas connue depuis des siècles : le tracé de la nouvelle frontière met la capitale sous la menace directe d’une armée étrangère, tout en laissant Metz et Strasbourg, nos deux meilleures places fortes après Paris, aux vainqueurs.
  • Finalement, à l’été 1871, au terme de ce que Victor Hugo appellera “l’année terrible”, la reconstruction de l’État apparaît comme une évidente nécessité.
    Ce sera l’œuvre de la toute jeune
    IIIe République, qui va s’attacher à parer au plus urgent en mettant sur pied, dans un irrésistible élan d’enthousiasme et aussi, il convient de le souligner, de nationalisme fervent, une nouvelle défense. Le but poursuivi ne trompe personne : préparer la revanche pour re- prendre possession des territoires situés au-delà de la “ligne bleue des Vosges”, chère à Jules Ferry.
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  • Cette construction d’un nouveau système de défense débute par une série de lois destinées à mettre sur pieds une armée nouvelle, en totale rupture avec celle de l’empereur déchu (loi sur le recrutement, loi sur la réorganisation de l’armée, etc.).
  • Organisation militaire en Aquitaine en 1880, implantation du 18e corps d’armée sur la 18e région militaire
  • Chaque province est devenue la zone de stationnement d’une grande unité, placée aux ordres de celui qui la commandera en temps de guerre : pour la première fois dans l’histoire de France, il y a une véritable continuité dans l’exercice des responsabilités.
  • Parallèlement à l’application de ces lois fondatrices, l’élaboration d’un véritable système défensif, prenant en compte la protection des frontières terrestres et maritimes, est confiée à un organisme dédié : le Comité Défense. L’homme orchestre de cet immense chantier est le général Séré de Rivières, chef du service de construction du Génie.
  • Né en 1815 à Albi, polytechnicien, Séré de Rivières a fait toute sa carrière dans l’arme du Génie : comme Vauban, c’est un ingénieur, un technicien et un soldat. De la guerre de 1870, il a retenu deux leçons: la supériorité écrasante de l’artillerie prussienne (en termes de portée notamment) et l’importance des voies ferrées. Son idée maîtresse : créer un dispositif défensif à base de fortifications construites en dehors des agglomérations, se couvrant mutuellement et échelonnées dans la profondeur. Ces fortifications ne se veulent pas une barrière infranchissable, mais simplement un moyen pour que l’armée puisse disposer du temps nécessaire dont elle a besoin pour monter en puissance (réussir la mobilisation), avant son engagement, qu’il soit offensif ou défensif.
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  • Le système défensif de la France à la fin du XIXe siècle
  • L’effort est mis sur les frontières terrestres, et plus particulièrement celles du nord- est. La défense des côtes se limite à celle des principaux ports militaires, à l’estuaire de la Gironde et à Marseille, premier port commercial français de l’époque.
  • Ce dispositif prometteur ne sera, hélas, jamais achevé, pour plusieurs raisons, la principale étant d’ordre technico-militaire. En une dizaine d’années, l’artillerie a fait plus de progrès qu’au cours des deux siècles précédents. Ce sont là les retombées directes de la révolution industrielle que connaît la France depuis une trentaine d’années. En premier lieu ,ces progrès apparaissent dans le domaine de la métallurgie (production d’un acier de qualité, qui vient remplacer la fonte pour la fabrication des canons et des obus) ; en second lieu, dans la mécanique (rayage plus précis des tubes, micro- mécanique des fusées) et enfin dans l’industrie chimique (découverte de la mélinite, puissant explosif brisant, en 1885 et mise au point d’une poudre d’origine chimique, à peu près à la même époque, qui va remplacer progressivement la poudre noire).
  • Ces différentes évolutions changent complètement la donne en termes de rendement. Ainsi, d’un obus d’artillerie peu performant dans les années 1870, l’on passe à partir du milieu des années 1880 à une munition particulièrement efficace (appelé “obus torpille” à cause de sa forme allongée).
  • Le résultat est sans équivoque : les fortifications existantes ne résistent pas à de tels projectiles... Il devient impératif de protéger les installations de surface par une épaisse chape d’un produit qui commence tout juste à être employé à l’échelle industrielle, le béton, d’utiliser des plaques de métal pour protéger les pièces et les hommes qui les servent (apparition des premières tourelles à éclipses). Tout le reste doit être enterré.
  • Assez rapidement, l’on se rend compte qu’entre l’achèvement du système défensif selon les nouvelles normes et la remise à niveau de ce qui a déjà été fait, il est nécessaire de choisir car les moyens financiers ne suffisent plus. Et ces choix seront drastiques : coup de frein brutal à la construction de nouvelles fortifications et remise à niveau de l’essentiel, c’est-à-dire la frontière de l’est. Le reste, dont fait partie la défense des côtes, considéré comme secondaire, est tout simplement abandonné.
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  • Ainsi, pour l’estuaire de la Gironde, l’on se contente d’une seule ligne de défense, installée à l’embouchure du fleuve : les forts de Royan et de Suzac sur la rive droite, ceux du Verdon et de la pointe de Grave sur la rive gauche1.
  • Toutefois, les choses évoluent, et notamment en Afrique où les grandes nations européennes finissent de se partager le continent.
    En 1896, ordre est donné à une colonne militaire (mission Marchand) de s’emparer de Fachoda (poste isolé situé aux confins du Soudan et de l’Égypte) de manière à devancer les Anglais et à les empêcher de constituer un empire allant du Caire au Cap.
  • L’affaire tourne mal : la colonne, installée à Fachoda, se retrouve au contact direct de l’armée anglaise qui dispose d’une supériorité écrasante... Il s’en faut de peu que les armes parlent... Finalement le bon sens l’emporte, ordre est donné à Marchand de se retirer de Fachoda.
  • À Paris, l’on se rend alors compte que l’on est passé à deux doigts d’une guerre navale avec les Britanniques, que personne n’avait songé à préparer... De l’avis unanime, notre flotte se trouvait impuissante à soutenir nos prétentions vis-à-vis de l’Angleterre qui applique, depuis 1890, le principe du Two Powers Standard, selon lequel le tonnage cuirassé de la Navy doit dépasser celui des deux flottes suivantes réunies. Aussi, décision est-elle prise de renforcer la défense des côtes. En ce qui concerne la Gironde, cela va se traduire par la construction d’une seconde ligne de défense dans la profondeur de l’estuaire.
  • Les deux lignes de défense de l’embouchure de la Gironde
  • 1 État de l’artillerie en place à l’embouchure de la Gironde en 1890 :
    - fort de Royan : une batterie de deux canons de 19 cm, une de quatre canons de 24 cm, une de quatre canons de 27 cm, deux batteries distinctes de canons de 95 mm, l’une de quatre pièces et l’autre de deux ;
    - fort de Suzac : une batterie de deux canons de 19 cm, une de deux canons de 24 cm et une de quatre canons de 95 mm ;
    - fort du Verdon : une batterie de deux canons de 27 cm, deux batteries distinctes de trois canons de 24 cm ;
    - pointe de Grave : une batterie de quatre canons de 95 mm.
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  • Le dispositif général, identique à celui imaginé par Vauban quelques 200 ans plus tôt, va être implanté au sein des fortifications existantes, et les travaux seront très vraisemblablement réalisés aux alentours des années 1899–1901.
  • Le dispositif dans la citadelle
  • Le promontoire sur lequel est bâtie la citadelle de Blaye, domine l’estuaire d’un peu moins de 30 mètres. C’est un atout décisif pour qui cherche à avoir des vues lointaines et donc bénéficier des possibilités maximales de tir. Cette situation remarquable n’existe tout simplement pas sur la rive gauche et ne se rencontre plus avant l’embouchure sur la rive droite. Elle fait tout naturellement de la citadelle le point clé du dispositif, comme cela était déjà le cas sous Vauban.
  • Trois batteries y ont été installées :
  • -  une batterie de canons de 19 cm, à six pièces (en deux sections de tir, l’une de quatre pièces et
    l’autre de deux pièces) ;
  • -  une batterie de canons de 95 mm, à quatre pièces ;
  • -  une batterie de canons à tir rapide, à deux pièces.
    Implantation des batteries dans la citadelle de Blaye
    En rouge, la batterie de 19c (la grande olive représente la section de quatre pièces, la petite, la section de deux pièces) ; en jaune, la batterie de 95 mm ; en bleu, la batterie de tir rapide.
    Le poste de commandement de cet ensemble était situé au plus près de l’estuaire, sur la tour de l’Éguillette. Il était relié par téléphone (une grande nouveauté pour l’époque...) avec la batterie la plus puissante du dispositif ; les liaisons avec les autres batteries, mais également avec le fort Pâté et le fort Médoc, se faisaient en utilisant des systèmes optiques, comme sur les bateaux de la Marine.
    Il convient enfin de souligner que chacune de ces batteries disposait d’un magasin à poudre profondément enterré, donc à l’abri des nouveaux obus d’artillerie chargés d’explosif brisant.
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  • En fait, les architectes du service du génie ont su habilement mettre à profit les circonstances exceptionnelles qu’ils ont rencontrées dans le sous-sol de la citadelle. En effet, au cours du XIXe siècle, des carrières de pierre ont été exploitées dans ce sous-sol, comme dans bien d’autres endroits de la Gironde. Le service du génie, maître d’œuvre des travaux, a utilisé ces galeries souterraines pour construire, au moindre coût, ce que l’on connaît sous le terme générique de magasin caverne ou bien encore de magasin sous roc.
  • Entrée du magasin à poudre souterrain de la batterie de 95 mm
  • L’on distingue très nettement les parois de galerie dans lesquelles ont été incrustées des pierres de taille. Ainsi cloisonnée, la galerie devient un local parfaitement fermé. L’on remarque, par ailleurs, l’imposant créneau de lampe sur la partie droite de la photographie.
  • Concrètement, les galeries situées à la verticale de l’emplacement des batteries ont été cloisonnées par des murs en pierre de taille, de manière à former les espaces dont avaient besoin les artificiers pour travailler à l’abri des projectiles (magasin à poudre, atelier de chargement, salle de manœuvre). Chaque entrée de magasin était équipée d’un créneau de lampe pour assurer l’éclairage selon les normes de sécurité en vigueur à l’époque. Il suffisait enfin de forer un puits au bon endroit et d’installer un monte-charge pour que les munitions et les artifices nécessaires au tir parviennent rapidement aux pièces.
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  • Puits d’accès aux magasins cavernes de la batterie de 19
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  • La batterie de 19
  • Cette batterie tire son nom du canon qui l’équipait : un 19 c modèle 1878, construit par Schneider pour le ministère de la marine afin d’armer les batteries de côte de métropole et des colonies. C’était un canon en fonte, fretté et tubé, à chargement par la culasse et de dimensions plus que respectables (près de 6 mètres de long, presque 80 cm de diamètre à la culasse, pesant un peu plus de 8 tonnes).
  • Coupe d’un canon en fonte, fretté et tubé
  • La fonte présente la particularité d’être bon marché, mais c’est un métal cassant. Pour éviter que les canons n’éclatent, on les renforçait par des anneaux d’acier montés “à chaud” à l’extérieur (les frettes) et par un tube, également en acier, à l’intérieur. D’où l’appellation “fretté et tubé”.
  • Il était maintenu par un affût (en fer et en fonte), lui-même fixé sur un châssis en acier, le tout reposant sur un rail circulaire. L’ensemble était dénommé affût “guerre à pivot central” (GPC), le mot “guerre” signifiant que le système avait été conçu spécialement pour le ministère de la Guerre et non celui de la Marine. Le tout (canon + affût + châssis) dépassait les 11 tonnes, mais gardait une grande maniabilité, indispensable pour le tir sur des navires. À noter que l’affût était relié au châssis par deux freins hy- drauliques (le retour en batterie se faisait par simple gravité) ; il était également équipé d’une “grue” (un palan muni d’une griffe), pour soulever l’obus et l’amener en position de chargement.
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  • Canon de 19 c Mle 1878 sur affût GPC
  • Le 19 c avait un diamètre intérieur de 194 mm, il pouvait tirer un obus de 75 kg à la vitesse initiale de près de 400 mètres par seconde et à une distance maximale d’environ 10 000 mètres. La ca- dence de tir était de l’ordre d’un coup toutes les trois ou quatre minutes (après chaque tir, il fallait ramener le tube presque à l’horizontale pour recharger).
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  • Conservatoire de l’estuaire de la Gironde
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  • À vrai dire, la portée maximale n’offre qu’un intérêt limité pour plusieurs raisons :
    - à une telle distance la dispersion devenait trop importante (elle était encore augmentée par le vent, phénomène commun sur un espace maritime comme l’estuaire), or ces batteries n’effectuaient que du tir au but (dit à l’époque tir de plein fouet), ce qui nécessitait une bonne précision, car si les objectifs étaient relativement volumineux, ils étaient aussi mobiles et
  • rapides ;
  • -  au delà d’une certaine distance il devenait quasiment impossible aux observateurs situés à proximité des pièces de voir avec exactitude le point de chute de l’obus et cela même à la longue vue, unique moyen d’observation ;
  • -  enfin, au-delà d’une certaine distance, ce même obus perdait beaucoup de son énergie et ne parvenait plus à percer les plaques de “blindage” (on disait alors cuirassement) des navires.
    Ainsi, la distance pratique de tir de ces batteries était de l’ordre de 3 000 à 4 000 mètres.
    Les batteries équipées de ce type de canon étaient des batteries dites de bombardement. Si aujourd’hui ces termes ne signifient pas grand chose, à l’époque cela avait un sens précis : elles étaient plus particulièrement destinées à traiter les parties les moins protégées des bâtiments (les œuvres mortes par opposition aux œuvres vives, situées en dessous de la ligne de flottaison et indispensables au fonctionnement du navire, comme par exemple les chaudières).
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  • HMS2 Blake, croiseur léger lancé en 1889
  • Principales caractéristiques : 9 000 tonnes, 120 mètres de long, 20 mètres de large, vitesse maximale 22 nœuds (40 km. h-1).
    Armement principal : deux canons de 230 mm, deux canons de 152 mm et 16 canons TR.
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  • 2 HMS : ces initiales, signifiant Her Majesty’s Ship ou His Majesty’s Ship, sont utilisées avant le nom des navires de la British Royal Navy. (ndlr)
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  • Conservatoire de l’estuaire de la Gironde
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  • La batterie de 19, qui constituait l’élément le plus puissant de cette deuxième ligne de défense de la Gironde, était installée dans la citadelle en deux sections de tirs :
  • - l’une de quatre pièces, sur un remblai de terre surélevé de quelques mètres en face du château des Rudel3, avec une capitale de tir orientée à environ 5100 millièmes4 ;
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  • L’une des alvéoles pour les coups de sûreté de la batterie de 19
  • 3 Les quatre pièces avaient exactement la même altitude au-dessus du niveau moyen de l’estuaire (34,73 m exacte- ment, mesurés à l’axe des tourillons) ; en outre, leur proximité simplifiait grandement le réglage des tirs, puisque les éléments de la pièce directrice pouvaient être pris en l’état par les trois autres.
    4 Inventé en 1837, le millième est une mesure d’angle encore utilisée aujourd’hui dans l’armée de Terre pour tirer au canon ou au mortier, désigner un objectif, une direction, etc. Un cercle comptant 6400 millièmes, c’est une mesure plus précise que le degré (1 degré vaut un peu plus de 17,7 millièmes).
  • 5 En temps normal, les alvéoles étaient vides. En période d’alerte, on y mettait à l’abri quelques coups complets (obus prêts au tir + gargousses + étoupilles), de manière à ce qu’ils soient immédiatement disponibles pour un tir éventuel. Cela permettait aux artificiers de mettre en œuvre la chaîne normale d’approvisionnement pendant que les pièces com- mençaient à régler le tir. Ces coups complets pouvaient également être utilisés en cas de rupture de la même chaîne pour une raison quelconque.
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  • Chacune de ces deux sections de tir disposait d’un magasin d’armement où était entreposé le petit matériel nécessaire au tir et qui servait également de local de téléphonie. En outre, sur le toit de ce même magasin était installé un poste de commandement, alors qu’à gauche de l’emplacement des pièces, se trouvait un poste d’observation.
  • Magasin d’armement et local téléphonique de la batterie de 19
  • (Section de tir située en face du château des Rudel)
  • Les obus étaient stockés dans un bâtiment situé le long des remparts, vers le château des Rudel (cette bâtisse n’existe plus) ; les artifices et la poudre étaient, quant à eux, entreposés à environ 20 mètres sous la batterie, selon un agencement classique (un grand magasin à poudre, une salle de charge- ment et une salle de manœuvre permettant l’accès au puits du monte-charge. La grille de protection de ce puits, toujours visible, se situe à mi-distance entre la section de tir de quatre pièces et la tour de l’Éguillette).
  • Batterie de 19 : entrée du puits d’accès aux magasins souterrains
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  • Projet de tunnel sous la Gironde
  • Copie de l ’article de A ndré Basdevant paru dans le Journal de Royan du 8 mars 1942
    (coll. J-C. Bourdelle, transmis par François Richet ; transcription Conservatoire de l’estuaire de la Gironde).
  • Au moment où il s’agit de fournir du travail aux ouvriers français et de montrer au monde la puissance en action de la France nouvelle, nous sommes heureux de soumettre à nos lecteurs, grâce à l’amabilité de notre confrère « Le Moniteur des Travaux Public et du Bâtiment », un projet de tunnel sous la Gironde, dû à Monsieur André Basdevant. Ce nous a semblé en même temps une contribution possible au plus Grand Royan, puisque de tunnel aboutirait sur notre rive du Parc.
  • Les estuaires, par leur largeur, offrent aux échanges économiques des contrées qu’ils séparent, un obstacle qui se traduit notamment par des pertes de temps, de carburants, donc par des frais inutiles que supporte la collectivité.
  • Le pont de Tancarville, dont la construction a été décidée par le Maréchal Pétain, va relier le Havre et sa région à l’autre rive de la Seine.
  • Le franchissement de l’estuaire de la Gironde reste, par contre, un problème à résoudre.
  • La solution proposée par M. André Basdevant est celle d’un tunnel. Elle fait l’objet de l’étude que nous sommes heureux de publier ci-après.
  • Rappelons à ce sujet que M. André Basdevant, ingénieur civil diplômé, architecte urbaniste, membre du Comité de propagande du GECUS [1], membre de la Société géologique de France, est l’auteur du projet de tunnel routier sous la Manche, qui fut déposé à la chambre des députés en décembre 1938 [2] et qu’il fut admis à exposer devant la Chambre des Communes à Londres le 2 mai 1939.
  • *******
  • Le projet de tunnel sous la Gironde n’est pas né de l’unique désir de vaincre un estuaire. Il aspire à un double résultat :
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  • 1° Vivifier par une nouvelle voie d’échanges la vie économique d’une des plus belles provinces françaises : le Médoc.
  • 2° Vivifier d’une façon rationnelle l’avant-port et la gare maritime du Verdon.
  • Ces deux postulats demandent quelques explications. Un simple coup d’œil sur la carte de France suffit à démontrer que la « presqu’île » du Médoc n’est accessible que par une seule grande voie de pénétration: la route de Bordeaux au Verdon, par Lesparre et Soulac. On peut donc dire, à coup sûr, cette route est une impasse et que la gare maritime du Verdon est donc un cul-de-sac.
  • Tout ce qui monte de Bordeaux à la Pointe de Grave est obligé de redescendre par la même route, même si son point de destination final est Paris ou le Nord. Nous nous refusons obstinément à considérer le bas de Royan comme un trait d’union entre les deux rives. Il est insensé qu’à notre époque de civilisation machiniste ne tolère encore ce moyen de locomotion périmé.
  • À l’embouchure de la Gironde, cette véritable mer intérieure, deux moyens de franchissement sont probables :
  • 1° Par dessus : le pont ;
  • 2° Par dessous : le tunnel.
  • Le premier est à écarter devant le second pour des raisons suffisamment évidentes pour qu’on puisse se dispenser de les énoncer ici. Le tunnel, par contre, est d’une réalisation facile et conviendrait absolument à une liaison ferro-routière permanente entre les deux rives.
  • Facilité d’accès et de sortie du Médoc, Économie de kilométrage, donc d’essence et de temps ; Augmentation de l’attrait touristique du trafic voyageurs et marchandises.
  • Voici une province de 4 000 kilomètres carrés qui entre enfin dans le circuit économique français, sans être étranglées par une porte trop étroite.
  • Mais le principal attrait, à nos yeux, réside dans son action complémentaire sur l’activité de l’avant- port du verdon. Pour notre part nous avons toujours regretté de ne pas voir cette gare maritime se placer sur une voie d’échange, et non sur une voie de garage.
  • Lorsque le port de Bordeaux, alors autonome, entreprit la construction de ce môle d’escale, à l’extrémité de la presqu’île du Médoc, il ne faisait que jeter en pleine mer un élément avancé de son vaste développement. Depuis plusieurs années déjà, on assistait à l’occupation totale de l’estuaire par des installations successives au profit du port de Bordeaux.
  • Ce mouvement d’extension a eu son couronnement au Verdon, avec la construction de la gare maritime. On peut dire, sans exagérer, que le port de Bordeaux s’étend normalement sur toute la rive gauche de la Gironde. Mais une circulation rationnelle exigeait ce que l’on n’a jamais fait : une rocade pour remonter ensuite sur l’autre rive.
  • Pourtant, on a pu dire que la gare du Verdon était « un port de vitesse », destiné à accueillir les plus grands bateaux du monde, et à permettre aux passagers de continuer leur voyage à pleine vitesse (!) par la voie ferrée.
  • On a oublié de préciser qu’il fallait, auparavant, perdre un temps précieux, à descendre jusqu’à Bordeaux par un chemin de fer d’intérêt local. D’où un crochet inutile de 160 à 170 kilomètres que la Gironde mesure en largeur à son embouchure. Les chiffres font ressortir l’énormité de cet illogisme.
  • Quand à la manutention des marchandises débarquées au Verdon, elle est tout aussi irrationnelle. On peut voir des laines d’Australie toucher terre au Verdon et passer par Bordeaux pour aller à Roubaix : tout cela parce que le môle d’escale est dans une impasse.
  • La route-rocade porte remède à coup sûr à tout cela. Ne parlons pas du bac de Royan, qui n’a aucune régularité et surtout peu de fréquence. D’ailleurs, les grosses charges ne peuvent l’utiliser. Naturellement, ce qui est vrai dans un sens est vrai dans l’autre. Les deux tiers des passagers s’embarquant au Verdon font aussi le crochet inutile en passant par Bordeaux.
  • Une situation aussi paradoxale n’est pas inexplicable par la défense des intérêts du port de Bordeaux. Ce dernier ne peut subir aucun préjudice du fait de la création d’un tunnel, mais au
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  • contraire y trouver un gros avantage. N’avons-nous pas suffisamment prouvé que la Pointe de Grave et son môle d’escale sont partie intégrante du port lui-même. Aussi bien que Pauillac et le bec d’Ambés.
  • Franchir l’estuaire de la Gironde, c’est relier le port de Bordeaux à la Charente-Maritime, c’est le rapprocher de plus de 100 kilomètres de la capitale. Si l’on pouvait aussi facilement transporter du port du Havre aux Andelys, hésiterait-on un seul instant de le faire ?
  • Si le trafic du Verdon continuait à se faire à Bordeaux comme par le passé, viendrait-il à l’idée de faire d’abord passer les passagers par Agen ou Mont-de-Marsan avant de les laisser se diriger sur Paris ?
  • Cet argument imagé, mais nullement déformé, prouve que sans le franchissement de l’estuaire, le port du Verdon perd 90 % de sa valeur. Situé dans un cul-de-sac, il n’exprimera toute son utilité qu’en se plaçant, sur une route-artère à double sens.
  • Cette rocade est d’un intérêt vital pour Bordeaux, sur un autre plan. Les années qui viennent verront la création d’un terminus d’hydravions transatlantiques dans la région bordelaise. Il n’est pas sûr que Biscarosse conserve la première place. L’étang d’Hourtin Coutau, base d’hydravions d’État, possède aussi beaucoup de chances.
  • Dans ce cas, la route souterraine devient obligatoire sous la Gironde. Elle peut même être un argument décisif dans le choix de la région nord-bordelaise comme emplacement du terminus futur des lignes transatlantiques.
  • D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que la côte Ouest aura tôt ou tard, pour d’impérieuses raisons stratégiques et économiques, sa route « littorale ».
  • Une grande partie, de la « route santonne », a déjà été étudiée. Là encore, le tunnel routier sur la Gironde est le « tronçon–clef » d’une semblable réalisation.
  • Mesure-t-on suffisamment alors l’importance considérable de ces cinq kilomètres de route sous- marine ?
  • Peut-on différer plus longtemps l’exécution d’un ouvrage d’art qui quitte le cadre d’équipement régional pour s’intégrer vraiment dans l’équipement national, tout en couronnant les installations remarquables d’un de nos plus grands ports ?
  • G.A. Basdevant
  • Notes du Conservatoire de l'estuaire de la Gironde
  • [1] GECUS : Groupe d'études et de coordination de l’urbanisme souterrain
  • [2] Il faudra attendre 1938 pour voir le premier projet d’un tunnel uniquement routier proposé par André Basdevant : deux galeries circulaires principales parallèles réunies tous les kilomètres par une galerie de communication. Le problème majeur est d’ordre technique à savoir l’évacuation des gaz d’échappement. [Source : http://perso.wanadoo.fr/batisseurs-tunnel/gallois/8.htm]